Samuel Steward aka Phil Andros
Il se pourrait que Samuel Stewart me pousse à sortir un peu du sujet; on m'en excusera, son oeuvre est si méconnue que ce billet a pris du ventre...
Sam Steward a dessiné toute sa vie des marins, il en a même tatoué un certain nombres lorsqu'il quitta son poste de professeur d'université pour s'établir tatoueur, sous le nom de Phil Sparrow. Sous le pseudonyme de Phil Andros, il devint un auteur à succès de la littérature érotique, ce qui ne l'empêcha pas non plus de publier dans des magazines de photographies et de dessins érotiques, dont le célèbre Der Kreis.
Artiste pour le moins éclectique et singulier il s'illustra dans tous les genres:
Le nu d'atelier (rhabillé à la mode de l’époque 1951, académie de Chicago)
les copies (ci-dessous, deux hommes sur la plage de Cadmus)
adaptation de dessins de Cocteau (qui ne traita jamais
directement ce thème précis)
des portraits, parfois classiques, comme celui de Jean
Renard
du fantastique
du symbolique
des travaux plus marginaux
Nombre de dessins érotiques, parfois restés à l’état d’études
carnet d'esquisse
parfois merveilleusement achevés
parfois plus utilitaires, organisés en suite comme les comics de ses contemporains:
Bikers
extraits des séries de toons signées Thor
sujets plus proches de Tom of Finland et Etienne, flics et marins
Ce dernier dessin inspiré du polaroid mis en scène dans l'appartement de Steward était peut-être destiné à illustrer une édition anglaise de Querelle de Brest, roman dont Steward a fait une traduction.
L'exemplaire original de Querelle que Stewart acheta à prix d'or à Paris.
Phil Andros
Le génie de Sam Steward tient au fait qu'à travers ses diverses identités, il a réussi à bâtir une œuvre d'art unique: sa vie.
En tant que Samuel M. Steward, il écrivit dès 1930 un livre de nouvelles Pan et l'oiseau de feu, auquel succéda en 1936 Les Anges sur la branche, qui lui valut en même temps qu'un succès critique son renvoi de l'université de Washington (par suite du portrait trop sympathique d'une prostituée). Il enseigna l'anglais à Loyola (Chicago) et DePaul university.
Dès 1949, Steward rencontra le Dr Kinsey dont il devint le collaborateur non-officiel, familiarisant le célèbre médecin avec les pratiques homosexuelles sado-masochistes de la communauté gay (Steward collectionna toute sa vie divers instruments de correction.). On dit que c'est sur l'encouragement de Kinsey que Steward commença à documenter sa vie sexuelle, par le récit de Mémoires autobiographiques mais surtout par la constitution quasi maniaque d'un fichier, les Stud-files (Dossier étalon, en quelque sorte) comprenant 746 cartes à l'imitation d'un fichier de bibliothèque documentant toutes les rencontres sexuelles qu'il fit pendant une cinquantaine d'années, des plus brèves aux plus développées et aux plus spécialisées.
cartoon d'Eric
On y voit voisiner des anonymes, tel Marin aux yeux bleus, Prêtre, mais aussi sous leurs véritables noms, Lord Alfred Douglas, Rock Hudson (dans un ascenseur qu'ils bloquèrent entre deux étages)
Rudolphe Valentino (que Steward rencontre à l'âge de 17 ans, un mois avant sa mort et dont il obtint, en plus de faveurs appuyées une touffe de poils pubiens qu'il conserva sur sa table de nuit dans une sorte d'ostensoir-reliquaire).
Certaines cartes du fichier sont illustrées, d'autres comprennent des échantillons...
Carte (postale?): faut-il comprendre, au verso que le portrait a été peint avec de la gouache mélangée au sperme du modèle?
Steward avait, pour son fichier, établi un système de codes (qui rappelle celui de Mizer décrivant par des pictogrammes les particularités sexuelles de ses modèles): des lettres décrivant la forme du sexe, L pour“Long,” Tk pour “Thick,”(épais) C pour “Circumsized,” Cl pour “Clean,”(propre) B for “Bent,”(courbé), H for “Huge,”(énorme) B for “Beautifully shaped”(belle forme), des chiffres pour les modes d'action 5 Pisse, 6 Crachat 13 Fouets, 96 Rimming, 88 Amour et baisers, 100 Jackpot...
détails des paiements faits aux prostitués
Certaines cartes détaillent avec humour les conditions de l'action: l'une en juin 51 fait état d'un contrat avec un de ses étudiants à DePaul dans lequel Steward promettant cinq A consécutifs pour cinq pipes à partir de de décembre, avec un rab en juin et juillet.
A la fin de chaque année Steward établissait des statistiques et des graphiques pour comparer les fréquences et la nature des rapports avec celles des années précédentes.
Vers le début des années 60 (d'abord au Danemark puis en 66 aux Etats-unis après assouplissement des lois de censure) Steward publie sous le pseudonyme de Phil Andros de nombreux romans explicitement sexuels, mettant en scène à la première personne son personnage du même nom, un prostitué de Chicago. Il ne touche que peu d'agent et les rééditions apparaissent parfois sous d'autres pseudonymes (sans qu'il soit payé sans doute). Aujourd'hui les éditions originales peuvent atteindre plus de 400 dollars. Dans les années 80 ses anciennes Pulp Fiction sont rééditées avec des couvertures de Tom of Finland par Perineum Press. Ils se vendent toujours très bien.
L'exemplaire en ma possession des Gars en Bleu
Liste des titres crédités à Phil Andros
- The Motorcyclist (1953)
- $tud (1966)
- The Joy Spot (1969)
- My Brother, the Hustler (1970; later published as My Brother, My Self)
- San Francisco Hustler (1970; later published as The Boys in Blue)
- When in Rome (1971; later published as Roman Conquests)
- Renegade Hustler (1972; later published as Shuttlecock)
- Below the Belt and Other Stories (1975)
- The Greek Way (1975; later published as Greek Ways)
- Different Strokes: Stories (1984)
- Dear Sammy: Letters from Gertrude Stein and Alice B. Toklas (1977, ed.)
- Parisian Lives (1984; novel)
- Chapters from an autobiography (1981; memoir)
- Murder Is Murder Is Murder (1985; Gertrude Stein-Alice B. Toklas Mystery)
- The Caravaggio Shawl (1989; Gertrude Stein-Alice B. Toklas Mystery)
- Bad Boys and Tough Tattoos: a Social History of the Tattoo with Gangs, Sailors, and Street-Corner Punks, 1950-1965 (1990)
- Understanding the Male Hustler (1991)
- Pair of Roses (1993)
Sonnet to the Making of a Saint
Sleep well, my lad. Be sure no terrors lie
Within this cup of night, save only those
Your bright inventive mind creates as foe;
Go virgin to your bed; with wary eye
Distrust my gesture, and suspect my sigh.
You see in all my honest words a pose,
My friendship but a mask for lust - who knows?
You may be more aware of truth than I.
Pull tight the cover to your virtuous cheek,
Lie straight and true, with thighs so closely pressed,
Look upward, to a heaven far from Greek,
And cross your hands across your untouched chest.
So let your marble rot and turn to dust,
And let the mourners worship if they must.
Phil Andros publia aussi sous les noms de Ward Stames, Thomas Cave, Philip von Chicago, Sammy:.
Autres documents dont Steward gratifia parfois Kinsey, sa collection de Polaroïds, certains purement documentaires, d'autres dont la valeur artistique est souvent étonnante:
Autres documents dont Steward gratifia parfois Kinsey, sa collection de Polaroïds, certains purement documentaires, d'autres dont la valeur artistique est souvent étonnante:
Platt-Lynes paraît avoir pratiqué lui aussi le polaroid pour des photos plus intimes que son travail publié:
Platt-Lynes Erect 1952
Le photographe Sam Stewart au travail
Phil Sparrow
C'est à partir de 1952, avant même de renoncer plus ou moins volontairement à son travail d'enseignement que Steward décide d'ouvrir une boutique de tatoueur. Il devine que cette activité lui permettra de se mettre en contact avec le type de gibier qu'il recherche particulièrement, rough trade, street trade et marins.
Hustler (remarquez la clé)
Calques originaux des motifs de tatouages
L'annonce du tatoueur parée d'un timbre promettant des réductions aux personnels de l'US Navy
La carte de sa seconde boutique à Oakland, proche du camp de la Navy à Great Lakes. Prenant soin de ses clients, Spattow avait fait afficher un graphique des horraires des trains pour rentrer au camp à l'heure... ou pas du tout.
Marine marchande
marins dans la boutique de Steward-Sparrow
et quelques études documentaires...
Au fait, -on l'aura compris- cet homme me fascine, et encore n'ai-je guère parlé de ses livres...
Etre un génie, c'est trouver la possibilité en soi de parvenir au meilleur de ce qui nous constitue, à une intimité livrée au tout venant, dans son unicité, une destinée accomplie et solitaire sans doute, sans coeur, mais sans compromis:
“Years ago, I had removed my heart from its matrix, and carefully cemented
the hollow chamber where it had pulsed. It was an empty room, a lonely room
untended, with never a visitor. I inspected it regularly; there was no entrance
possible.”
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