Le crime de Villefranche
Justin Marius Jean Follis ,
né à Gardanne le 1er juillet 1896 (le dossier de révision de son procès
donne 1897), boulanger. Condamné pour délit de droit commun, il fut
comme le soldat Botte envoyé au bagne d'Aniane du 11 décembre 1913
jusqu'à sa mobilisation le 10 avril 1915, pour avoir, en compagnie de
deux autres jeunes gens agressé un étranger de passage à Gardanne afin
de le voler.
Le
14 mars 1916, après avoir terminé son service de soldat au dépôt du 24è
BCA à Villefranche sur Mer, il s'introduit au domicile d'un civil
italien, l'abat d'un coup de revolver et lui dérobe son argent. Le
dossier de révision mentionne "vol commis le 14 mars 1916 sur la
personne d'un marchand d'œufs." Un des rapports relatant les faits donne
une version légèrement différente de "l'introduction au domicile"
puisqu'on y lit :
Le soldat Follis n'avait pas agi seul ; joint à la procédure un certain Justin Marius Félix Gilly, 20 ans, est jugé pour complicité. Un certain Marius Gleize de 19 ans est également soupçonné de complicité (mais obtient le non lieu, n'ayant connu le crime que par le récit de Gilly. Lors de la révision Gilly n'est plus prévenu que de recel, n'ayant fait que prêter puis cacher le revolver qu'il avait prêté à Follis, et quoiqu'il ait partagé avec lui le butin du vol (aucun argent retrouvé, du vin et des oeufs)."Le 13 mars 1916, un crime était commis sur la personne d'un nommé Parodi par le soldat Follis... celui-ci avait fait depuis trois semaines environ la connaissance de Parodi, connu pour être un pédéraste et avait eu plusieurs fois avec lui des relations contre nature. Le jour du crime, après s'être livré une fois de plus à son acte anormal, Follis tira sur Parodi plusieurs coups d'un revolver dont il avait eu soin de se munir, puis l'acheva en l'étranglant. Enfin il s'empara de son portefeuille et d'une cassette qu'il fut obligé de fracturer..."
Gilly est finalement condamné à 10 ans de travaux forcés (peine commuée en 1920 en détention simple) et détenu à la maison centrale de Melun. Un avis défavorable à la mise en liberté conditionnelle de Gilly sera rendu le 6 mars 1924.
L'arrêt de condamnation prononcé le 20 juillet 1916 par le CG de Marseille fut annulé par le conseil de révision de Lyon le 14 août 1916. Le CG de Lyon condamna néanmoins (à huit clos, l'affaire étant unanimement qualifiée de "dangereuse pour les mœurs") Follis à la peine capitale le 10 octobre 1916 pour "assassinat suivi de vol qualifié" et rejeta le recours en grâce le 14 novembre 1916. En conséquence, Justin Follis 20 ans, fut fusillé au camp de La Doua, à Villeurbanne, le 21 novembre 1916. Sa fiche de décès est assez unique ; "corps déposé à l'hopital, genre de mort : justice militaire"
***
Le
dossier de procédure est constitué de 445 pages. C'est dire combien
cette affaire a occupé pour ne pas dire fasciné (ou terrifié, c'est
selon) à la fois la police et les deux juridictions militaires
auxquelles il a été soumis. En voici quelques extraits:
Les protagonistes
Follis, Justin Marius Jean, célibataire, 19 ans, boulanger à Gardanne
1,66m
châtain foncé, yeux roux, visage ovale, tatoué d'un cor de chasse, 24è
chasseur sur le bras gauche, une pensée et une hirondelle messagère au
bras droit
Entre autres bizarreries du dossier, on trouve sur le relevé de punition
du soldat Follis, au milieu des absences illégales, le curieux motif en
date du 27 septembre 1915 "Malgré les ordres répétés du capitaine, s'est
fait raser la moustache". Un certain Dr Latil d'Aix établit un
certificat attestant avoir soigné Follis, âgé de 16 ans pour une
typhoïde grave "avec complications pulmonaires et cérébrales violentes
-que depuis cet atteinte, il manifestait des moments d'absence ou
d'impulsions irraisonnés".
Follis déclare le 13 mars :
"Le
lundi 13 courant, je suis sorti du quartier vers 5 heures et j'ai passé
une partie de la soirée au bar du Globe, quai Amiral Courbet. J'ai fait
ensuite une promenade sur le chemin de la gare, seul, mais chemin
faisant, un individu que je ne connais pas, âgé d'environ 40 ans et de
petite taille m'a pris familièrement par le bras en me disant: "où
vas-tu chasseur, viens m'accompagner à la gare!" Comme j'allais dans
cette direction j'ai accepté et c'est ainsi que nous sommes entrés à la
gare. Là, l'inconnu s'est rendu dans le bureau du chef et je me suis
assis sur un banc (...) Quelques instants après l'inconnu est sorti,
s'est occupé d'un colis d'oeufs, puis il est passé devant moi en me
disant simplement bonjour, après quoi il a traversé la voie pour aller
attendre sans doute le train pour Nice qui est arrivé sur ces
entrefaites. J'ai quitté la gare, suis rentré au quartier pour répondre à
l'appel de 9 heures et n'ai plus revu mon compagnon d'occasion.(...)
Après
l'appel du soir, c'est-à-dire vers 9 h15, je suis sorti de la chambrée
pour aller au lavabo, car je suis atteint d'une maladie vénérienne et me
suis couché un quart d'heure après." (Ce détail ne semble pas avoir été
vérifié... alors qu'au mois de février Follis avait séjourné à
l'infirmerie pour se guérir de la gale.)
C'est
ce même jour vers 19h que le chasseur Eugène Lieutaud, chef de poste à
la gare, voit "M.Parodi que je connaissais bien en compagnie d'un
chasseur".
"Ce
chasseur qui est de taille assez élevée m'a paru âgé de 20 à22 ans,
presque imberbe ou peut-être rasé, portant le béret sur le front, en
avant et en "bec de canard". (...)
A ce sujet, je dois dire que Domergue, alors qu'il était de service avec moi s'est absenté deux nuits, la dernière il y a une quinzaine de jours, pour aller coucher chez Parodi qui paraît-il lui cédait un lit."
Interrogé le 15 mars, le chasseur Jules Henri Domergue, 21 ans, déclare :
Vers le milieu de février dernier, alors que j'étais de garde à la gare, le sieur Parodi, que je ne connaissais pas encore, vint s'asseoir auprès de moi et il engagea la conversation sur le guerre. Il m'invita ensuite à aller boire un verre chez lui, invitation que j'acceptai, et ce premier soir je demeurai chez lui de 9h à 10h30.(...) Par la suite, Parodi vint encore me voir à la gare à 3 ou 4 reprises et à chaque fois il me conduisit chez lui où il m'offrit à dîner et à coucher. (...) Chez Parodi, j'occupais la plus belle chambre de l'appartement, la première en entrant, tandis que lui couchait dans la chambre obscure située entre la cuisine et la salle à manger. J'affirme de la façon la plus catégorique que je n'ai jamais eu de "relations intimes" avec un homme, que je n'ai jamais couché avec Parodi et que ce dernier ne m'a jamais fait la moindre proposition obscène. C'est pas pure sympathie que ce commerçant m'a invité plusieurs fois chez lui. D'ailleurs je n'y suis plus retourné depuis environ 15 jours.(...)
Le lundi 13 courant, j'ai quitté la caserne du Lazaret vers 5 heures du soir et me suis rendu en compagnie du chasseur Beaumont à la répétition de la chorale Caserne de la Darse, que nous avons quitté vers 6h30 pour aller en ville (...) Je me suis alors rendu au bar restaurant Continental, quartier de l'Octroi pour y rechercher une femme qui m'a communiqué une maladie vénérienne. J'ai quitté le bar Continental ... vers 8h20 et suis rentré aussitôt à mon casernement, chambre 19."
Procès- verbal du commissaire de police mobile Marius Pupet, le 16 mars :
Nous chargeons ensuite, vu la déposition précise du chasseur Lieutaud, l'inspecteur Pomarola de se rendre avec le témoin à la caserne de la Darse, à l'effet d'y rechercher le militaire qui avait été vu à la gare le soir du crime, en compagnie de Parodi. Et ce même jour à cinq heures du soir, Lieutaud ayant reconnu le nommé Follis comme étant le chasseur en question, nous recevons... la déposition de ce dernier. (...) Assisté de M. le Capitaine Guesquin qui spontanément s'est mis à notre disposition pour nous faciliter notre entrée de nuit dans la caserne des Chasseurs, d'autant plus qu'il est le Commandant de Compagnie de Follis, nous retournons à ladite Caserne , où (...) nous recevons les dépositions des chasseurs [composant la chambrée de Follis] Gilly Justin, Vague Marius, Ligeoli Emile, Maillan Léon.
Apprenant sur ces entrefaites que Follis avait été en possession d'un revolver quelques jours auparavant (arme appartenant, parait-il à Gilly Justin), nous entendons sur ce point les chasseurs Paul Augustin et Remy Roger. Vu les dépositions de ces derniers nous entendons à nouveau Follis Justin sur la question du revolver et des oeufs qu'il a distribués à ses camarades. Après quelques réticences, Follis avoue avoir tué Parodi, aveu que nous considnons à la suite de cette déposition."
A ce sujet, je dois dire que Domergue, alors qu'il était de service avec moi s'est absenté deux nuits, la dernière il y a une quinzaine de jours, pour aller coucher chez Parodi qui paraît-il lui cédait un lit."
Caserne du Lazaret (construite sur un ancien cimetière musulman, détruite, a fait place à un cantonnement de gendarmes): le seul bâtiment restant est le tout petit édifice carré à l'extrême-gauche, surnommé Chapelle Paganini, parce que le corps du violoniste, mort à Nice y resta plusieurs mois, personne ne voulant l'enterrer.
Caserne de la Darse (caserne Dubois), détruite, seule demeure au rez de chaussée, la corderie, sous les arcades du 17è siècle
Vers le milieu de février dernier, alors que j'étais de garde à la gare, le sieur Parodi, que je ne connaissais pas encore, vint s'asseoir auprès de moi et il engagea la conversation sur le guerre. Il m'invita ensuite à aller boire un verre chez lui, invitation que j'acceptai, et ce premier soir je demeurai chez lui de 9h à 10h30.(...) Par la suite, Parodi vint encore me voir à la gare à 3 ou 4 reprises et à chaque fois il me conduisit chez lui où il m'offrit à dîner et à coucher. (...) Chez Parodi, j'occupais la plus belle chambre de l'appartement, la première en entrant, tandis que lui couchait dans la chambre obscure située entre la cuisine et la salle à manger. J'affirme de la façon la plus catégorique que je n'ai jamais eu de "relations intimes" avec un homme, que je n'ai jamais couché avec Parodi et que ce dernier ne m'a jamais fait la moindre proposition obscène. C'est pas pure sympathie que ce commerçant m'a invité plusieurs fois chez lui. D'ailleurs je n'y suis plus retourné depuis environ 15 jours.(...)
Le lundi 13 courant, j'ai quitté la caserne du Lazaret vers 5 heures du soir et me suis rendu en compagnie du chasseur Beaumont à la répétition de la chorale Caserne de la Darse, que nous avons quitté vers 6h30 pour aller en ville (...) Je me suis alors rendu au bar restaurant Continental, quartier de l'Octroi pour y rechercher une femme qui m'a communiqué une maladie vénérienne. J'ai quitté le bar Continental ... vers 8h20 et suis rentré aussitôt à mon casernement, chambre 19."
Procès- verbal du commissaire de police mobile Marius Pupet, le 16 mars :
Nous chargeons ensuite, vu la déposition précise du chasseur Lieutaud, l'inspecteur Pomarola de se rendre avec le témoin à la caserne de la Darse, à l'effet d'y rechercher le militaire qui avait été vu à la gare le soir du crime, en compagnie de Parodi. Et ce même jour à cinq heures du soir, Lieutaud ayant reconnu le nommé Follis comme étant le chasseur en question, nous recevons... la déposition de ce dernier. (...) Assisté de M. le Capitaine Guesquin qui spontanément s'est mis à notre disposition pour nous faciliter notre entrée de nuit dans la caserne des Chasseurs, d'autant plus qu'il est le Commandant de Compagnie de Follis, nous retournons à ladite Caserne , où (...) nous recevons les dépositions des chasseurs [composant la chambrée de Follis] Gilly Justin, Vague Marius, Ligeoli Emile, Maillan Léon.
Apprenant sur ces entrefaites que Follis avait été en possession d'un revolver quelques jours auparavant (arme appartenant, parait-il à Gilly Justin), nous entendons sur ce point les chasseurs Paul Augustin et Remy Roger. Vu les dépositions de ces derniers nous entendons à nouveau Follis Justin sur la question du revolver et des oeufs qu'il a distribués à ses camarades. Après quelques réticences, Follis avoue avoir tué Parodi, aveu que nous considnons à la suite de cette déposition."
Interrogatoire de Follis le 19 mars :
-
Dans la journée du lundi 13 vous avez déclaré au chasseur Gilly que
vous vous proposiez de sortir le soir du quartier après l'appel.(...)
-
Je lui ai dit que me proposais de sortir le soir parce que j'avais un
rendez-vous avec une femme. Je ne voulais pas lui avouer en effet que je
sortais avec un homme. Un aveu semblable m'aurait quelque peu gêné.
Interrogatoire du 24 mars :
La 1ère version des aveux
- N'étiez-vous pas allé déjà à plusieurs reprises chez Parodi? N'étiez vous pas fixé sur les mœurs de ce dernier
-
Avant le crime je m'étais déjà rendu une fois chez cet individu. La
date de ma première visite se place 5 ou 6 jours avant la scène. Je
m'étais rendu chez lui vers six heures ou six heures et demie du soir,
il m'avait reçu dans son magasin il avait fermé les portes et il m'avait
sucé la verge. Il m'avait reùis pour cela une somme de six francs. Le
soir du crime il m'avait demandé de consentir à ce que j'ai (sic) des
relations avec lui. Sa proposition me prouva qu'il était un pédéraste
passif. J'avais refusé de consentir à sa demande.
Si l’on considère que la solde d’un
chasseur en casernement à l’arrière (hors prime de feu donc) est
en 1916 de 0,25 francs par jour voire de 0,40 (en station avec le
pain seulement) ou 0,50 (en marche avec le pain), 6 francs sont
l’équivalent de 12 à 20 jours de salaire.
Lors
de l'interrogatoire du 25 mars, Follis prétend avoir rencontré Parodi
en février, dans le train, alors qu'il revenait d'une permission à
Gardanne :
-
Comme je vous l'ai dit précédemment je ne le rencontrai que quelques
jours avant le crime environ cinq ou six jours avant. Ce jour-là il me
conduisit dans son magasin sous le prétexte de m'offrir à boire. C'est
ce jour-là qu'il me porta la main aux parties sexuelles et qu'il se livra
aux attouchements que j'ai indiqué précédemment. Il me remit six
francs.
-
Dans une lettre que vous écriviez à votre maîtresse à Brignolles, vous
indiquez qu'en revenant de permission vous avez fait la rencontre dans
le train d'un individu de mœurs spéciales et que pour vous débarrasser
de ses assiduités, vous avez dû menacer cet homme de votre revolver. De
quel individu s'agit-il?
-
J'ai rencontré cet homme le jour même où j'ai voyagé également avec
Parodi mais ce n'est pas de ce dernier qu'il s'agit dans la lettre. La
rencontre à laquelle je fais allusion s'est produite entre Carnoules et
Les Arcs.
Interrogatoire du 30 mars :
-
Je puis affirmer cependant que je n'ai pas eu de relations de ce genre
avec Parodi. Je dois avouer toutefois que Parodi m'avait proposé ce
soir-là d'avoir des relations avec lui, d'abord comme sujet actif et
ensuite comme sujet passif : mais j'avais repoussé ses propositions,
d'ailleurs au moment du crime j'étais atteint de blénoragie (sic),
l'expert n'aurait pas manqué de faire des constatations tout à fait
spéciales sur le produit qu'il a été appelé à analyser.
Gilly, Justin Marius, célibataire, 20 ans, boucher à Aix
1,64m
châtain, yeux roux verdâtre, menton saillant, tatoué "Pas de chance",
une hirondelle, cœur et flèche 1914-1915, une pensée, un demi bracelet
au bras gauche, un serpent, un cœur traversé d'un poignard sur le bras
droit
Déposition de Gilly le 22 mars 1916 :
J'ai
été incorporé dans un bataillon de chasseurs de Villefranche en avril
1915. Quelques jours après mon incorporation je fis la connaissance de
Follis qui appartenait au même régiment. Notre bataillon fut expédié
tout d'abord à Turini puis ensuite à Brignolles. Après un séjour de
quelques mois dans cette première ville, un groupe de chasseurs dont je
faisais partie en même temps que Follis fut dirigé par mesure
disciplinaire sur Villefranche. Ce groupe était composé de Rémy Roger,
Journot, Gleize, Melot, Martini, Follis et moi. J'arrivai à Villefranche
le 16 janvier 1916. Comme j'étais déjà puni de prison, je fus incarcéré
dès mon arrivée et je ne fus libéré que le 10 mars. Avant de rentrer en
prison, j'avais confié le revolver Browning dont j'étais propriétaire à
Follis. Il me restitua cette arme dès ma sortie. Follis il y a quelques
temps m'avait confié qu'il avait fait la connaissance d'un marchand
d’œufs de Villefranche. Je ne saurais dire à quel moment il m'avait fait
cette confidence, peut-être est-ce après ma sortie de prison, peut-être
est-ce pendant que j'étais en prison car il était souvent de garde aux
locaux disciplinaires et communiquait facilement avec moi. Il m'indiqua
même qu'il connaissait le marchand d’œufs depuis longtemps c'est-à-dire
depuis notre premier séjour à Villefranche. Il me raconta qu'il était
allé plusieurs fois chez lui, il m'avoua que cet individu avait des
mœurs spéciales et que chaque fois qu'il avait des relations avec lui
il lui donnait de l'argent? Follis me confia que Parodi était un
pédéraste passif. Cette confidence ne m'étonna pas outre mesure car
j'avais appris par ailleurs que cet individu avait la réputation
d'attirer les militaires chez lui.
Gilly
ment alors en racontant l'histoire de la femme que Follis devait
raccompagner à Nice et en affirmant ne pas s'être levé de toute la nuit
du 13 mars, puisqu'on apprendra par ailleurs qu'il se trouvait de garde à
la porte principale de la caserne. Il dit qu'il n'a pas entendu Follis
alors que ce dernier précise le sur-lendemain l'avoir réveillé et avoir
montré les oeufs et le vin volés, qu'il ne lui aurait rendu le revolver
qu'à 5 heures du matin au réveil, moment où il lui aurait enfin avoué
avoir tiré sur Parodi à la suite d'une dispute.
A preuve que Parodi avait d'autres relations militaires :
Lettre adressée à M. Parodi, Oeufs, rue de la gare à Villefranche par Urbain Baudru, 24è chasseur, temporairement à l'hôpital d'Aix :
Cher Amie,
J'ai voulue attendre quelques jours pour savoir à peut près quelques résultat sur ma Diagnostic qui j'espère me permettra d'allez pour quelques jours en permission dans peux de temps dicie pour allez reprendre un tout petit peu du sang de la maison?..
1,61m blond moyen, yeux jaune pâle, nez rectiligne sinueux
Le
chasseur Servella témoigne que le soir du crime il aurait du prendre la
garde à neuf heures et que le caporal Vague a fait retardé son tour
pour mettre Gleize à sa place. Il ajoute (sur demande) :" Vague était
intime avec Follis, Gleize et Gilly avec lesquels il sortait fréquemment
le soir. Dans la cour du quartier ils étaient aussi très souvent
ensemble ainsi que je l'ai constaté."
Le
garde-champêtre de Brignolles signale que durant le séjour de la
garnison dans cette ville "Faulis (sic)... avait pour intimes camarades,
chasseurs au même bataillon, les nommés Martini [dit Le Matou d'après
la femme Gaou, sa maîtresse, qui raconte que Follis ne quittait jamais
un petit Browning qu'il lui avait appris à charger] , Glaise, Gilli ou
Gilly. Trois autres individus connus sous les sobriquets de Le
napolitain, Kiki, Foufou qui ont quitté la garnison en même temps que
Follis."
Selon diverses dépositions, notamment celle de Clerico (beau-frère de la victime qui trouvera le corps le 14), Parodi avait pris le train le 13 la veille pour avertir sa sœur qu'il lui ferait livrer le lendemain matin -n'ayant pas eu le temps de les charger par le train de 19h45 car il venait de les recevoir- un colis d’œufs dont elle faisait également le commerce à Nice. Il serait rentré à Villefranche par le train passant à la gare de Riquier à 20h40.
Premières constatations de police:
Le lit se trouve à gauche en entrant (...) Le cadavre de Parodi est en travers de ce lit, la tête est contre le mur, les pieds pendent en dehors du lit. Le sang a coulé de la bouche, le visage en est maculé, la région du cou est congestionnée et semble porter des traces d'ongles. Les couvertures cachent en partie le corps. En relevant ces couvertures on constate que le cadavre n'est revêtu que d'une chemise et d'un tricot. Ces vêtements sont relevés jusque sous les aisselles (...)
Sur la table de nuit on remarque une boite ouverte paraissant contenir de la vaseline.
Selon diverses dépositions, notamment celle de Clerico (beau-frère de la victime qui trouvera le corps le 14), Parodi avait pris le train le 13 la veille pour avertir sa sœur qu'il lui ferait livrer le lendemain matin -n'ayant pas eu le temps de les charger par le train de 19h45 car il venait de les recevoir- un colis d’œufs dont elle faisait également le commerce à Nice. Il serait rentré à Villefranche par le train passant à la gare de Riquier à 20h40.
Premières constatations de police:
NB : la rue de la Gare est aujourd'hui dénommée rue du Poilu
Si la numérotation ancienne n'a pas été modifiée, le magasin Parodi devait se trouver à gauche à la sortie de l'arche qui enjambe le rue, juste avant l'escalier du Pountin.
Le n°31 serait alors la deuxième porte après l'arche, aujourd'hui un immeuble d'habitation de quatre étages, le 1er, vu de la rue présentant un plafond très haut.
Le lit se trouve à gauche en entrant (...) Le cadavre de Parodi est en travers de ce lit, la tête est contre le mur, les pieds pendent en dehors du lit. Le sang a coulé de la bouche, le visage en est maculé, la région du cou est congestionnée et semble porter des traces d'ongles. Les couvertures cachent en partie le corps. En relevant ces couvertures on constate que le cadavre n'est revêtu que d'une chemise et d'un tricot. Ces vêtements sont relevés jusque sous les aisselles (...)
Sur la table de nuit on remarque une boite ouverte paraissant contenir de la vaseline.
Plan de la scène du crime
Rapport
d'autopsie du Dr Rozières : "le criminel a dû déployer une forte somme
d'énergie pour arriver à ses fins; à tel point que je me suis demandé,
tant la lutte a été acharnée, s'il était bien seul pour accomplir un tel
acte.(...)
La
balle... n'a pas été la cause principale de la mort. Celle-ci a eu lieu
par compression des gros troncs vasculaires du cou et par compression
du larynx amenant l'asphyxie. Avant cet acte ultime, Parodi pour être
maîtrisé a dû être saisi par les testicules et, au cours de la lutte,
pour étouffer ses cris, une main criminelle s'est fortement appliquée
sur sa bouche, d'où les lésions précitées."
Mme Mangiapan (née Arnulph), 31 rue de Gare; déclare : "Mon amie Massa Marie et moi avons été éveillées en même temps par des gémissements provenant de l'appartement Parodi. Nous avons ouvert ensuite la fenêtre de notre chambre mais n'ayant plus rien entendu nous avons regagné notre lit. A ce moment-là 11 heures sonnaient à l'horloge de la ville."
"Follis, qui tout d'abord prétendait n'avoir fait la connaissance de Parodi que le jour du crime, semble, bien au contraire, l'avoir fréquenté depuis un an environ (avril 1915). Follis lui-même, a fait des concessions : "Cinq ou six jours avant le crime, dit-il Parodi m'avait sucé la verge, il m'avait remis, pour cela, 6 francs. Mais malgré tout, il ne fait remonter qu'à trois semaines environ auparavant la date de sa première entrevue.
Follis soutient énergiquement que, le soir du crime, Parodi serait venu le chercher à la caserne, à 9h moins le quart et qu'il l'aurait attendu jusqu'à 9h15... Les déclarations des témoins Parega, Dunan, Bruno [montrent que] Follis est bien allé chez Parodi après avoir répondu à l'appel de 21 heures. En outre, il y est allé avec l'intention de le tuer, puisqu'il reconnaît, lui-même, avoir demandé le revolver de Gilly une demi-heure avant l'appel. Et il apparaît qu'il l'a tué après avoir satisfait son vice ; car d'une part, Follis a déclaré à plusieurs reprises que Parodi était un pédéraste passif ; d'autre part, l'expert dit : il semble que le coup de feu a été tiré au moment où Parodi était couché sur le ventre, le visage face à l'oreiller. L'expertise de la substance extraite de l'anus de Parodi confirme cette hypothèse."
Analyse du physicien-chimiste le 25 mars :
Déclaration de Gilly le 22 mars : "Follis m'a tenu à peu près le langage suivant. "Hier soir, je suis allé où j'étais allé l'autre fois, chez le marchand d’œufs. Nous avons couché ensemble, et dès le début nous nous sommes disputés ; nous nous sommes même frappés et finalement je lui ai tiré une balle. Je suis parti en emportant seulement des oeufs et du vin, car je n'ai pas trouvé de l'argent. Je te rends ton revolver et si on te demandait si tu me l'as prêté, tu répondrais non. D'ailleurs je ne serai pas pris."
Comme je vous l'ai déjà déclaré je reconnais avoir mangé quelques œufs le 14 mars à 7 heures du matin sous un platane de la cour du quartier, en compagnie de Follis qui me les avait donnés. Je suis complètement étranger au crime et lorsque Follis m'a tout avoué, j'ai été tellement interloqué que je ne lui ai même pas reproché de m'avoir menti le soir lorsqu'il a pris le revolver.(...) Gleize est aussi complètement étranger à l'affaire dont il connaissait les détails par moi. Il a menti tout d'abord pour m'être agréable et m'éviter des ennuis. Je suis persuadé qu'il va vous dire aussi la vérité." Gleize répond "je n'ai rien à ajouter ni à retrancher des dernières déclarations de mon ami Gilly"...
Curieux étalage d'affection de deux hommes qui cherchent à se dédouaner l'un l'autre sans charger au-delà de l'évidence leur ami commun.
Déclaration de Flora Arrigoti, 19 ans, domestique au bar du Globe, situé quai Amiral Courbet à Villefranche :
Le lundi 13 courant, vers 8 heures, Follis que je connaissais comme client du bar depuis quelques jours seulement est entré dans l'établissement et y a retrouvé 3 autres chasseurs avec lesquels il venait fréquemment, le soir, boire de la bière. L'un est âgé de 20 ans environ, replet, figure ronde, rasé. L'autre à peu près du même âge petite moustache châtain clair, visage clair. Le troisième, âgé de 32 ans environ, taille plutôt au-dessous de la moyenne, forte moustache blonde(...)
Ces 3 chasseurs, je m'en souviens très bien étaient au bar vers 6h30 en compagnie de Follis, mais ce dernier était sorti presque aussitôt et n'est venu les rejoindre qu'à 8 heures(...)
Quelques instant après son retour au bar, Follis s'approcha de moi alors que je me trouvais sur le seuil de la porte et me demanda si je voulais bien consentir à devenir sa maîtresse. Je lui répondis négativement, ajoutant qu'ayant été déjà trompée, je n'avais pas envie de recommencer. Il insista, mais comme je repoussais énergiquement sa proposition il me déclara que nous resterions amis, qu'il m'écrirait, car il partait disait-il en permission le soir-même et finalement il me laissa son adresse au bataillon, adresse que j'ai déchirée (...)
Après m'avoir fait cette proposition que j'ai repoussée, je le répète, Follis m'a fait cadeau d'un oeuf et j'ai remarqué qu'il en avait plusieurs autres dans la poche de sa vareuse. Il est allé rejoindre ensuite ses camarades attablés et vers 8h12 ou 8h30, tous quatre ont quitté le bar. Je suis absolument certaine de la date. Il s'agit bien du lundi 13 courant, car le lendemain 14 on a découvert le crime. D'ailleurs, depuis ce soir-là, je n'ai plus revu aucun de ces quatre chasseurs au bar du Globe.
Ce témoignage est très intéressant, dans la mesure même où il n'en a été tenu aucun compte. Sachant que, le jour du crime, Follis a été vu avec Parodi vers 18h30, chargeant un colis d’œufs à la gare (proche du domicile de la victime) il serait à supposer que Follis serait passé plusieurs fois chez Parodi le jour du meurtre. Les oeufs étaient-ils la récompense de quelque service? A supposer que les deux jeunes chasseurs soient Gleize et Gilly, le quatrième, plus âgé, pourrait être le caporal Vague, celui qui plaça Gleize de garde à 21 heures, alors que ce n'était pas son tour. Mais Vague n'est âgé que de 25 ans. Comment la serveuse du bar peut-elle avec précision estimer l'âge du 4è chasseur? Parmi les témoins interrogés qui ont consommé les oeufs à la cantine le 14 se trouve un certain Léon Maillan, âgé de 32 ans. Ce témoignage relance les suspicions de complicité (et n'est-ce pas pour cette raison que le scandale était plus énorme qu'on n'a pas voulu savoir?). Follis aurait-il songé à s'enfuir après l'appel ? pourquoi les 4 hommes ne sont-ils plus rencontré au bar du Globe après cette date. Pourquoi est-ce Gleize qui creuse le trou pour enterrer le revolver sur le Mont-Boron ? arme dont il n'est pas sûr du tout qu'elle ait appartenu à Gilly qui en revendique la possession et prend l'initiative de la faire disparaître. On peut se demander si ce retour de Follis vers 20h n'aurait pas eu pour motif d'élaborer le scénario du crime, en prévision d'un partage du butin assez élevé sans doute pour le diviser en quatre parts, puisque selon la sœur de Parodi, la cassette en zinc retrouvée fracturée devait contenir plus de 2000 francs. Et même, est-ce bien Follis l'auteur du crime, et pourquoi se serait-il chargé de la faute, tentant d'écarter les soupçons pesant sur Gilly, et sur l'alibi de Gleize, peut-être caduque? Gilly qui est au courant des relations de Follis et Paroli (qu'il fait remonter avant le passage par Brignolles) et ne s'en offusque guère, n'aurait-il pas pratiqué le même commerce que son camarade qui le visitait régulièrement à la prison? Enfin, qu'est-il advenu du Matou, le chasseur Martini? Aucune somme d'argent n'ayant été retrouvée, quelqu'un de non compromis dans l'affaire l'aurait-il emporté pour le mettre en lieu sûr?
Louise Novaro, épicière place de la Paix se souvient très bien que quinze jours avant l'affaire, elle avait été frappé par le portefeuille de Parodi, bourré de billets (lui disant même "vous ne feriez pas mal de m'en faire cadeau") et que son fournisseur était passé encore le dimanche 12 encaisser une facture de 12 francs, alors qu'il n'était jamais pressé de se faire payer.
Ce témoignage est corroboré par l'agent de police auxiliaire Paul Audibert qui a vu le 12 mars Parodi, place de la Paix, déposer le permis de séjour qu'il lui remettait dans un portefeuille généreusement garni de billets de banque.Que sont-ils devenus ? Il faudrait admettre, si Follis a agi seul, qu’une fois le crime commis, il est retourné à la boutique fracturer la cassette, ce que nul n’a cherché à élucider, ou bien l’argent est-il tombé entre les mains de quelqu’un qui possédait un double de la clé de la porte du magasin (déjà subtilisée à l’été précédent) ?
Gilly, enfermé à la Maison Centrale de Melun, n'est pas admis à bénéficier de la liberté conditionnelle le 19 août 1924, ayant reçu un mois avant une remise de peine d'un an (en vertu du décret de novembre 1920) : "condamné une première fois par le CG de Marseille, Gilly comparut de nouveau après cassation devant le CG de Lyon. Celui-ci dans sa séance du 10 octobre 1916, écartait l'accusation de complicité d'assassinat, et, ne retenant que le recel qualifié, le condamnait à la peine de de dix ans de travaux forcés... peine commuée plus tard en réclusion. Gilly n'a pas d'antécédent judiciaire ; il n'a jamais été dans une unité combattante."
On décèle dans l’affaire Parodi les balbutiements de la police scientifique dans l’affaire. Le premier laboratoire de police scientifique a été établi à Lyon en 1910 par Edmond Locard. L’identification par empreintes digitales ne s’est imposé que tardivement (par rapport à son « invention » dans les années 1880) parce que Bertillon craignait qu’elle ne rende obsolète son système de description anthropométrique (basé entre autre sur la forme des oreilles). Outre le recours au chimiste, la police a tenté d’identifier le meurtrier par ses empreintes digitales. Il s’en trouvait en effet sur les verres à liqueur trouvés dans la salle à manger et surtout de sanglantes sur un verre de lampe de la suspension, appartenant vraisemblablement au véritable auteur du crime. Ainsi après avoir relevé les empreintes du cadavre, les enquêteurs se rendent à la caserne de la darse le 21 mars 1916 pour relever les empreintes de quelques chasseurs qu’ils considèrent sans doute comme suspects. Si celles de Follis ne figurent pas au dossier, on trouve celles de Gleize, Melot, Long, Paul, Ladi (proche de Follis à Brignolles et que sa maîtresse connaissait comme « l’adi »), Pons, Domergues, Genasi, Martini (le Matou)
Malheureusement pour la production de la vérité, ces pistes sont abandonnées dès les aveux partiels de Follis. Lorsque le parquet des Alpes Maritimes se dessaisit de l’affaire le 11 avril 1916, il n’est évidemment plus question d’y revenir pour la justice militaire, qui tenant son coupable ne montre aucune volonté de s’aventurer plus avant. Ainsi les rapporteurs militaires se recopiant les uns les autres prétendent-ils (de façon on l’a vu erronée, puisque Follis avoue être revenu sur ses pas pour fouiller le magasin) que la cassette en zinc a été retrouvée dans l’appartement. Selon le vieil adage, n’aurait-il pas fallu se demander à qui avait profité le crime ? Assurément à aucun des deux condamnés.
Gilly, enfermé à la Maison Centrale de Melun, n'est pas admis à bénéficier de la liberté conditionnelle le 19 août 1924, ayant reçu un mois avant une remise de peine d'un an (en vertu du décret de novembre 1920) : "condamné une première fois par le CG de Marseille, Gilly comparut de nouveau après cassation devant le CG de Lyon. Celui-ci dans sa séance du 10 octobre 1916, écartait l'accusation de complicité d'assassinat, et, ne retenant que le recel qualifié, le condamnait à la peine de de dix ans de travaux forcés... peine commuée plus tard en réclusion. Gilly n'a pas d'antécédent judiciaire ; il n'a jamais été dans une unité combattante."
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