Giovanni
Antonio Casetta, né le 24 septembre 1893 à Canale (Italie),
boucher (comprenez assistant son père dans l’élevage des bœufs)
et coureur cycliste, 1m69, Cheveux châtain foncé, yeux verts, nez
rectiligne, visage rond, soldat de 2è classe au 1er
Régiment de marche étranger (Légion garibaldienne)
Selon
le rapport du CG de la XVè division :
Le
7 mai 1915, le commissaire de police Bonnefoy du canton sud de la
ville d’Avignon était averti par plusieurs officiers du premier
régiment étranger, que leur camarade, le lieutenant Angelo-Mario
Arizio n’avait plus été aperçu depuis trois ou quatre jours, que
la porte de sa chambre d’où s’exhalait une très mauvaise odeur
était fermée à clé. Le commissaire Bonnefoy se rendit aussitôt à
l’hôtel du Louvre (où résidait l’officier) pour faire ouvrir
la chambre. N’ayant pu trouver la clé de la chambre du Lieutenant
Arizio, il se servit de la clef de la chambre n°16 qui ouvrit la
chambre n°8 occupée par l’officier. M. Bonnefoy pénétra avec le
sous-lieutenant Rama dans la pièce dont l’unique fenêtre
s’ouvrant sur un couloir était fermée dans l’intérieur avec
l’espagnolette. [Le volet de cette fenêtre est bloqué par un
cordon et couteau dont personne ne parviendra à expliquer la
provenance]. Sur le lit placé à gauche en entrant, le commissaire
de police aperçut une masse informe, recouverte par des couvertures.
Le sous-lieutenant Rama enleva une couverture et les assistants
purent voir le corps d’un homme non habillé [uniquement vêtu
d’une chemise et d’un gilet confirmera le légiste], attaché
dans un drap de lit ; ses genoux étaient repliés sur le
ventre, la tête était noirâtre, le crâne portait de multiples
contusions. La position du cadavre était la suivante : sur le
dos, la tête inclinée à droite, les bras repliés, le droit sur la
cuisse droite et le gauche sur la partie antérieure de la poitrine,
les jambes étaient fléchies sur les cuisses et les cuisses sur le
bassin. Il était maintenu dans cette position par une pèlerine en
tissu large et un drap de lit liés tous deux à leurs extrémités
par des lacets de soulier. Le corps était complètement recouvert
outre il disparaissait sous les oreillers. Une cordelette, assez
volumineuse, d’une longueur d’un mètre cinquante centimètres
environ, formant nœud coulant enfermait le cou de la victime. Le lit
était souillé de sang ; la tapisserie, principalement à la
tête du lit avait été aspergée de gouttelettes de sang (…)
D’après les conclusions du médecin expert, la mort (…) avait
été déterminée par des coups violents portés sur le crâne avec
un marteau ou une barre de fer. Le lieutenant Arizio, malgré les
apparences n’avait pas été étranglé. Il est possible que la
cordelette fut passée au cou de la victime après la mort. Il n’y
eut pas de lutte ; l’officier dut être frappé pendant son
sommeil ou tout du moins dans son lit.(…) La mort devait remonter à
quatre ou cinq jours (…) L’examen du crime fit découvrir au
médecin légiste sur les parties latérales du crâne les quatre
plaies suivantes :
-
Une plaie mesurant cinq à six centimètres à l’union du pariétal
et du temporal droit.
-
Une plaie de même dimension , à l’union du pariétal et de
l’occipital droit
-
Une plaie semblable à l’union du frontal et du pariétal gauche
-
Une plaie également de même dimension dans la région de
l’occipital et du pariétal gauche.
Les
os du crâne étaient brisés et présentaient des fractures
multiples rayonnant en divers sens. La substance cérébrale
s’échappait librement de ces plaies.
Quelques
jours après, on découvrait placés sur la commode de la chambre du
lieutenant Arizio deux morceaux de fer de 0,40m qui avaient pris
l’aspect de la rouille. L’information a établi par les aveux du
meurtrier que c’était là l’instrument du crime [point
litigieux, puisque seule la barre la plus lourde, ramassée dans la
cheminée désaffectée a servi à frapper, et qu’on ignorera à
combien de reprises]. Le 7 mai 1915, le juge d’instruction
d’Avignon lançait un mandat d’arrêt contre l’ordonnance du
lieutenant Arizio, le nommé Casetta Giovanni, soldat du 4è régiment
de marche du premier étranger, qui avait disparu depuis quelques
jours et dont on avait perdu la trace. On ne tardait pas à apprendre
que Casetta avait fait sa demande de libération le 4 mai 1915 vers
10 heures et qu’il avait reçu une feuille de transport gratuit
pour le Hâvre. Casetta était arrêté à Saint-Denis sur
l’indication fournie à la police par le nommé Salembéni,
ex-sergent de la Légion garibaldienne qui le rencontra au marché de
Saint-Denis. Casetta donna lors de son premier interrogatoire un faux
état-civil ; il prétendait se nommer Punzo ; puis il se
décida à avouer son véritable état-civil et à reconnaître le
crime qui lui était reproché. Une perquisition ordonnée de sa
chambre à Saint-Denis [assura?] la découverte d’un certain nombre
d’objets dérobés au lieutenant Arizio. (…)
L’instruction
a reconstitué l’emploi du temps du lieutenant Arizio, le jour où
il fut assassiné, le
lundi 3 mai 1915. Il se trouvait ce jour-là à Sorgues, en compagnie
d’un de ses amis intimes, le capitaine Bruera de la légion
garibaldienne, d’une dame [laquelle?] lorsque le sous-lieutenant
Rama, le capitaine Defner, le sous-lieutenant Massa
vinrent le rejoindre. Ils dînèrent ensemble et au cours du repas,
le lieutenant Arizio parut très gai. Ils revinrent dans la soirée à
Avignon et se rendirent vers 8 heures et demi à la gare pour saluer
une dernière fois le lieutenant Lecomte, qui rejoignait son corps à
Brest.(…) Vers les dix heures et demi du soir, le lieutenant Arizio
regagnait la chambre n°8 de l’Hôtel du Louvre qu’il occupait
depuis son arrivée à Avignon. C’est là qu’il devait périr
quelques instants après sous les coups de son ordonnance, le soldat
Casetta.(…)
***
Arizio tel qu'il apparaissait sur les cartes postales offertes à ses maîtresses
Casetta aurait fourni les explications
suivantes sur la façon dont il aurait frappé le lieutenant Arizio :
« Dans la nuit du 3 au 4 mai 1915, je suis entré dans la
chambre de mon officier à l’hôtel du Louvre [tout semble prouver
qu’il s’y trouvait déjà quand Arizio rentra légèrement gris,
ou Casetta avait-il passé un moment avec quelqu’un d’autre dans
l’hôtel?]. C’était onze heures du soir, en rentrant je
souhaitais le bonsoir au lieutenant Arizio qui était sur son lit et
lisait son journal. Il me fit des reproches dur mon service et me dit
que peut-être il me renverrait. Je lui réclamai alors une somme de
100 francs prếtée en deux fois (le 25 mars et au commencement de
mai), - il me répondit que d’argent il n’en avait point. Je lui
fis remarquer que pour s’amuser il en avait toujours, mais que pour
moi il n’en avait pas. Furieux de cette parole, le lieutenant se
souleva et se saisit de don revolver d’ordonnance dont il allait me
menacer. C’est alors que je lui assénai sur le crâne un coup
d’une barre de fer que j’avais trouvée dans la cheminée.
L’officier s’écroula sur le lit, je pris alors mes affaires et
je partis. » Il a reconnu avoir volé l’imperméable du
capitaine Bruera, pour se gager de l’argent que cet officier, dont
il avait été l’ordonnance, lui aurait dû. En ce qui concerne les
objets appartenant au lieutenant Arizio, il a prétendu qu’ils
s’étaient trouvé mélangés avec ses affaires personnelles, ce
qui expliquerait, d’après lui, leur présence dans ses bagages.
Interrogé par nous au sujet du ligotage du cadavre du lieutenant
Arizio, Casetta n’a voulu fournir aucune explication, affirmant
qu’il y était étranger.
[C’est moi qui
souligne : après avoir avoué pareille exaction, pourquoi
Casetta n’aurait-il pas voulu expliquer ce qui se serait passé :
ne l’aurait-il seulement pas pu, n’ayant pas assisté à cette
partie de l’incident ? Quelqu’un aurait-il tenté de
transporter le cadavre pour s’en débarrasser, le laissant
finalement dans cette position bizarre, avec un nœud coulant autour
du cou ?].
Casetta
(8 février 1916) :
D : - Le 3 mai 1915 à quelle heure êtes-vous rentré le soir à
l’hôtel du Louvre ? [encore aurait-il fallu interroger
Casetta sur son emploi du temps de la soirée, avant son entrée dans
la chambre]
R : - Je suis rentré à l ‘Hôtel du Louvre vers dix
heures et demi du soir ; mon officier était déjà rentré.
D : - A quelle heure avez-vous quitté le chambre près avoir
frappé votre officier ?
R :
- Je suis parti vers onze heures et quart ou onze heures et demi et
je me suis rendu à la gare où j’ai passé la nuit sur un banc.
(…)
D : - Qu’avez-vous fait de la clé de la chambre ?
R : - Je n’en sais rien ; en partant je n’ai pas fermé
la porte à clé.
D : - N’avez-vous pas placé un couteau à le fenêtre et un
codron de lacet pour empêcger que celle-ci soit ouverte ?
R : -Non.
D :
- N’avez-vous pas enveloppé le corps de votre officier en vue de
l’emporter.
R : - Non.
D/ : - Expliquez-vous sur vos relations avec le lieutenant
Arizio ?
R :
- Au début il me traitait bien, puis après il changea sans doute
parce que je lui avais prêté de l’argent. Je ne me prêtais
pas trop non plus aux expansions qu’il avait avec moi, notamment en
public où il lui était
arrivé de m’embrasser. Plusieurs fois aussi il me dit dans sa
chambre de venir partager son lit. Mais il n’a jamais rien tent é
contre ma personne et ne s’est livré devant moi à aucun acte ou
geste obscène.
D : - Depuis quel moment votre officier vous aurait-il fait ces
propositions ?
R : - Depuis quelques temps seulement.
D : - N’avez-vous pas proféré des menaces, un jour dans le
train contre le capitaine Defner ?, alors que vous rentriez de
Sorgues à Avignon ?
R : - Non, mais je me souviens que le capitaine Defner me doit
toujours cinq francs.
A la
date du 1er
juin 1916 [plus d’un an après les faits ! et sur l’insistance
répétée des autorités militaires] le juge d’instruction
d’Avignon se dessaisissait de cette affaire au profit de la justice
militaire, Casetta étant encore lié au service militaire en France
lorsqu’il assassina le
lundi 3 mai 1915 le lieutenant Arizio.
Le
reste du rapport, à charge, invoque les témoignages de Bertello et
Peloso, qui semblaient nourrir pour des raisons inconnues (ou non
explorées) une certaine rancune, méfiance ou jalousie envers
Casetta. Si le traitement de l’affaire par les militaires a épargné
à Casetta la guillotine pour une mort considérée comme moins
infamante, les incohérences des circonstances du crime n’ont pas
été élucidées.
Antécédents
La
famille de Casetta (et lui-même en communauté) possède une maison
à Canale et 87 ares de terrain attenant. Jusqu’au moment de son
départ pour la France, Casetta fit métier de coureur cycliste
prenant par à diverses courses, obtenant plusieurs prix jusqu’à
l’âge de 17 ans. Il aida son père dans son commerce de bœufs et
aussi travailla aux champs, travailla toujours régulièrement. Dans
les derniers mois qu’il fut en Italie, Casetta se mit à vivre en
fainéant, il devint vicieux et se mit à dépenser et à se faire
manger de l’argent par des femmes légères… D’un négociant de
Valpone,, un nommé Montruccio Giuseppe, son concitoyen d’origine,
il se fit donner en lusieurs fois la somme de 500 lires environ,
qu’il dépensa à Turin en aventures féminines et autres vices
dégradants ; le 4 mars 1915 le tribunal d’Alba le condamnait
[par défaut puisqu’il s’était engagé à Nice pour la durée de
la guerre, depuis le 2 octobre 1914] pour appropriation de bien qui
lui avaient été confiés par une firme de Turin [il semblerait
qu’il se soir agi de deux vélos qu’il crut qu’on lui avait
offerts.] Casetta ne fréquenta pas de mauvaise compagnie et mena une
vie plutôt solitaire et à part… Casetta est de caractère fermé,
il n’est pas violent et n’a pas encouru de condamnation pour
blessure. Il est coureur de femmes mais on n’a pas constaté qu’il
fût pédéraste. (le sous-préfet)
Il
va sans dire que les antécédents judiciaires d'Arizio ont été
passés sous silence, notamment la faillite frauduleuse de sa maison
de commerce à Turin qui aurait dû le laisser sans un sou, alors que
petit employé de commerce à Paris, il trouve encore le moyen de
dépenser des sommes importantes durant la campagne d'Argonne, puis à
Bar-sur-Aube.
Extrait
de la déposition du sous-lieutenant Pierre Rama, premier témoin à
découvrir le corps : « J’avais les meilleures relations
avec le Lt Arizio… A un certain moment, il a eu des sommes très
importantes et sur le front il avait encore 4000 francs environ.
Depuis son retour à Avignon, il était plutôt à cours et il ne
devait posséder que sa solde. Il y a quelques semaines, je lui avais
prêté 10 francs qu’il m’a rendu quelques jours plus tard.(…)
Mon camarade affectionnait son ordonnance, qui couchait dans sa
chambre, à terre, sur des couvertures, et j’ai constaté qu’il
lui abandonnait l’édredon, le traversin et l’oreiller. Leur
intimité était si grande qu’il est arrivé à l’ordonnance de
coucher dans la chambre de mon camarade [rappelons-le, un espace
confiné et bas de plafond d’environ 3m x 4 ]alors que celui-ci
était en bonne fortune. Je me rappelle d’avoir fait une
observation à ce sujet et mon camarade me répondit que cela n’avait
pas d’importance. Il ne comptait pas se séparer de son ordonnance
qu’il désirait placer dans une maison de cycle Peugeot. C’est
un ancien coureur bicycliste de l’Italie. Il est grand, bien
découplé, très robuste, figure complètement rasée. Je crois
qu’il ne parle que l’Italien. Quand je lui ai adressé la parole
en Français, il se faisait très difficilement comprendre. Je crois
devoir vous signaler que le lundi 3 mai vers 8h et demi du soir à la
Brasserie de l’Horloge Arizio avait fait de vifs reproches au
capitaine Defner en présence du capitaine Bruera et de moi-même au
sujet d’une femme avec laquelle le capttaine Defner s’affichait
et qui l’exploitait. Arizio dit encore au capitaine Defner que le
caoutchouc qui lui avait été volé avait été pris par cette femme
avec qui son ordonnance Casetta avait eu des relations intimes ;
cette femme avait raconté à Casetta, d’après ce que dit Arizio,
que Defner l’avait amenée à Marseille et qu’elle l’avait
quitté sous prétexte d’aller voir une parente et s’était
rendue ensuite après d’un amant. Il est probable que le capitaine
Defner a rapporté à sa maîtresse les reproches qui lui avaient été
adressés et peut-être celle-ci en a-t-elle informé Casetta avec
qui elle avait rendez(vous le même jour d’après ce que me dit
Arizio. »
Déposition du capitaine
Albert Bruera ( 8 mai ) : « Je ne crois pas qu’[Arizio]
fût fortuné et je sais même que dans ces derniers temps, il était
quelque peu gêné à plusieurs reprises, il empruntait de petites
sommes à des camarades. Quelques jours après notre arrivé alors
qu’il faisait fonction de Commandant de Cie, son sergent-major a
fui en emportant les fonds de la Compagnie. Il a été probablement
obligé de couvrir le déficit et c’est peut-être le motif de sa
gêne.(…) Je ne lui connaissais pas de bijoux de valeur mais j’ai
remarqué qu’il portait une bague en or représentant deux serpents
entrelacés qu’il avait achetée à Montélimar pour le prix de 45
francs. (…) Mon ami affectionnait son ordonnance avec qui il était
très familier. Il était plein de prévenance à son égard et ne se
séaprait de lui que fort rarement. Son ordonnance couchait dans sa
chambre, à terre et sur une couverture. C’était un garçon grand,
bien bâti, peu communicatif, ne connaissant que quelques mots de
français et parlant seulement le piémontais. Il se disait coureur
cycliste et j’ignore s’il avait une autre profession. (…) Au
moment de la dissolution de la Légion, interrogé par mon ami sur ce
qu’il comptait faire, il a nettement répondu en ma présence qu’il
resterait au service militaire tant que mon ami y resterait lui-même…
Il est affligé d’un léger bégaiement… L’ordonnance possédait
un costume civil ; veston, culotte et bas cyclistes, le tout
couleur marron, chapeau mou gris verdâtre et souliers jaunes tout
neufs. Casetta ne paraissait pas tenir à l’argent et je ne crois
pas qu’il l’ait tué pour voler. A plusieurs reprises, je l’ai
vu refuser des gratifications. »
Rapport du juge d’instruction
d’Avignon, le 11 mai :
Les capitaines Bruera et Marfella et le
sous-lieutenant Rama m’ont signalé les faits suivants :
1°-Le samedi 1er mai, le le
capitaine Marfella qui était allé dîner à Sorgues avec le Lt
Arizio est rentré à Avignon par le train de 9 heures du soir et
dans le même compartiment que l’ordonnance Casetta. Celui-ci était
très surexcité et proféra des menaces contre le capitaine Derfner
[Defner, Dorfner, Defener, autant de variantes orthographiques selon
les scribes] avec qui il voulait avoir une explication. Il indiqua
qu'il avait des relations avec une nommée Jeanne, maîtresse de
Derfner et que c’est au sujet de cette personne qu’il avait des
embêtements.
2°-Le dimanche 2 main vers 11h du matin
sur la place de l'Horloge, le capitaine Derfner et l’ordonnance
Casetta eurent une très vive discussion .
Déposition du
Capitaine Mirhal Marfella (le 10 mai) : « [Le 1er
mai] je suis rentré à Avignon par le train de neuf heures du soir
qui ce jour-là avait un retard de plus d’une heure et j’ai fait
le voyage avec l’ordonnance Casetta. Pendant le trajet, Casetta a
tenu des propos menaçants à l’égard du capitaine Derfner..
Il
me dit en piémontais que si le capitaine l’embêtait ça finirait
très mal. Comme
il était pris de boisson, je ne l’ai pas questionné et je lui ai
recommandé d’aller se coucher. Il me dit encore qu’il avait eu
des relations intimes avec une nommée Jeanne, maîtresse du
capitaine Derfner et que c’était à cause de cette femme qu’il
avait des embêtements. Je lui ai demandé pour quel motif il venait
à Avignon et il m’a répondu que c’était pour avoir une
explication avec le capitaine Derfner. (…) Le
lendemain, dimanche 2 mai, j’ai aperçu le capitaine Defner et
Casetta qui avaient une vive discussion sur la place de l’Horloge,
vers 11 heures du matin. Je me suis approché pour demander au
capitaine Derfner sa souscription à une œuvre pour les blessés.
Celui-ci, à mon grand étonnement m’a répondu sèchement :
Attends-moi ! Je me suis aussitôt écarté et j’ai attendu la
fin de la conversation. L’attitude du capitaine et de l’ordonnance
m’avait tellement impressionné que j’ai pensé à faire
connaître au capitaine les propos tenus par l’ordonnance la veille
pendant le trajet de Sorgues à Avignon. Quand je me suis approché
du capitaine, d’autres officiers l’avaient rejoint et je ne pus
donner suite à mon idée. Jai
cependant fait allusion à la discussion et j’ai demandé au
capitaine « ça ne va pas ?
il
y a quelque chose de nouveau ? »
Il
me répondit négativement. (…) Je ne soupçonne nullement le
Capitaine Defner… il était dans les meilleurs termes avec Arizio.
Tous les trois nous nous sommes engagés ensemble à Paris et nous ne
nous sommes pas quittés depuis la mobilisation. J’étais
très lié avec Arizio... et je ne lui connais pas d’ennemi. Il ne
devait pas avoir grand argent et je ne crois pas qu’il reçût de
subsides de sa famille ou d’autres personnes. Il était très
familier avec son ordonnance qu’il traitait comme un ami et non
comme un subordonné, et j’ai entendu dire que l’ordonnance
couchait dans sa chambre. Je connais fort peu l’ordonnance que je
n’ai vu que deux ou trois fois. Il m’a paru très respectueux
pour son lieutenant mais je ne saurais vous dire s’il avait de
l’affection pour lui.(…) Je sais qu’Arizio avait des relations
avec une nommée Blanche et que son
ordonnance avait eu également des relations avec cette femme. »
Déclaration
de Pierre Rama (15 juillet 1915) : « Fréquemment,
Arizio m’a dit qu’il était très satisfait de son ordonnance,
lequel se montrait d’une obéissance parfaite et faisait très bien
son service. Il me répétait parfois que Casetta irait pour lui
jusqu’au bout du monde. Arizio payait sa nourriture depuis que
Casetta n’allait plus à la caserne.
D :
- Pouvez-vous
nous dire si le lieutenant Arizio que vous connaissiez bien avait des
mœurs contre nature ?
R :
- Pour moi, rien ne m’a fait soupçonner la chose. [ce qui n’est
pas une dénégation des plus fermes, on en conviendra.]
3°- Le lundi 3 mai, vers onze heures du
soir à la brasserie de l’Horloge Arizio aurait vivement reproché
à Derfner de s’afficher avec sa maîtresse Jeanne qui lui avait
volé son caoutchouc, qui l’avait trompé lors d’un voyage à
Marseille et qui n’en voulait qu’à son argent. Arizio aurait
ajouté qu’il était renseigné par Casetta qui avait des relations
avec Jeanne avec qui il avait rendez-vous ce jour-là.
Bruera (8 mai) : « Il est
exact qu’en ma présence, Arizio ait reproché au capitaine Defner
de s’afficher avec sa maîtresse, une nommée Jeanne, qui
l’exploitait et n’en voulait qu’à son argent. Il dit encore
que sa maîtresse lui avait volé son imperméable et qu’qu cours
d’un voyage à Marseille elle l’avait lâché pour aller
retrouver un amant. Il ajouta qu’il tenait ces renseignements de
son ordonnance qui avait des relations intimes avec la maîtresse de
Defner.
4°- Le samedi 1er mai, Arizio a reçu à
Sorgues un télégramme non signé l’appelant de suite à Avignon.
Il crut à une plaisanterie d’un camarade et ne tint pas compte
dudit télégramme.
Texte du télégramme déposé à 18 h
par un certain Poloso (1er étranger) :
Lieutenant Arizo Caffé de la gare
Sorgues Venir dessuite à Avignon
NB : il existe bien un Peloso
(l’orthographe serait alors aussi fautive que celle du
destinataire), qui nie être l’auteur. Personne au Rgt ne reconnaît
l’écriture de l’ordre original.
5°- Le dimanche 2 mai, Casetta fit
raser les moustaches naissantes qu’il portait habituellement.
Interrogé à ce sujet par Arizio il ne donna aucun motif de sa
décision.
Déclaration d’Umberto Zanchetta, Lt
au 1er étranger (15 mai) : « Je connaissais
fort peu l’ordonnance Casetta que je n’ai vu qu’une ou deux
fois. Je l’ai aperçu dans la matinée du dimanche 2 mai, sur la
place de l’Horloge et j’ai remarqué qu’il portait un costume
civil très élégant. »
6°- Le même jour Casetta indiqua
qu’une nommée Blanche qui pendant un mois avait été la maîtresse
d’Arizio lui avait écrit pour lui demander 10 francs et lui donner
une rendez-vous. Arizio se mit à rire et dit à Casetta d’envoyer
la somme demandée.
Déclaration de Blanche Richieu le 11
mai 1915 : « C’est dans la deuxième huitaine de mars
dernier que j’ai fait la connaissance du lieutenant Arizio (…)
Cet officier m’a donné une fois 20 francs. C’est la seule fois
où j’ai reçu de l’argent de sa part. Il me paraissait n’avoir
pas trop d’argent. J’ai entendu bien souvent, le lieutenant
Arizio dire qu’il tenait beaucoup à son ordonnance Casetta.
Casetta m’avait paru affectionner (…) le lieutenant Arizio.(…)
J’ai écrit une lettre au lieutenant Arizio pour lui demander 10
francs. Je ne me souviens plus de la date -vers le 20 avril. Arizio
ne m’a pas répondu. Quelque jours plus tard après le 20 avril, je
fis la rencontre de Casetta dans la rue des Marchands. Casetta me dit
qu’il pensait que son officier allait être versé dans un régiment
français. Puis il ajouta : « Pour moi qui suis italien et
simple soldat, je ne pourrais pas le suivre. Si je suis obligé de le
quitter, je me rendrais à Paris, ville que je connais déjà. Je
travaillerai de mon métier ».
Voilà donc un
nouveau mobile ; mais comment le taciturne et peu loquace
Casetta ne parlant que le Piémontais, aurait-il eu une conversation
aussi détaillée avec une femme qui prétendait mal le connaître et
n’était même plus officiellement la maîtresse d’Arizio le 20
avril.
Blanche : « Je n’ai jamais
eu de relations intimes ni de discussion avec Casetta. »
7°- Le mercredi 5
mai le capitaine Bruera… constata la disparition de son imperméable
(noir- Belle Jardinière) et sa logeuse lui dit que Casetta était
venu la veille dans l’après-midi. Le capitaine Bruera n’avait
pas d’ordonnance et Casetta lui rendait de temps en temps de petits
services. Il devait venir dans la matinée du mardi 4 mai mais il ne
s’était pas présenté.(…)
Casetta (le 5
janvier 1916) : « Je reconnais m’être emparé de
l’imperméable du capitaine Bruera. C’est le lendemain du crime
que je me suis rendu chez lui pour lui demander un peu d’argent,
car j’avais été son ordonnance. N’ayant trouvé personne je me
suis emparé du vêtement imperméable … J’ai pris ce
manteau pour me payer du travail que j’avais fait chez le capitaine
Bruera».
Dans une lettre
datée du 24 août 1915, à l’hôpital de Vichy, le capitaine
Bruera demande (pour la deuxième ou la troisième fois) qu’on lui
rende son imperméable, saisi par la justice : « si j’ai
relevé cette circonstance dans ma déposition, je n’ai porté
aucune plainte à cet égard. Mon traitement étant presque fini, je
vais rejoindre mon dépôt dans quelques jours, et je vous serais
très reconnaissant si je pouvais avoir mon vêtement avant de
repartir au front. »
8°- Le capitaine
Derfner aurait subitement donné sa démission que rien ne laissait
prévoir. Ses camarades pensaient qu’il resterait au service
jusqu’à la fin de la guerre et qu’il allait recevoir une
nouvelle affectation. Il est parti pour Paris le jeudi – mai par le
rapide de 8h33 du soir malgré les pressantes insistances du
capitaine Marfella qui voulait le décider à l’accompagner à
Sorgues où il devait dîner avec Arizio et plusieurs camarades.
Derfner aurait lassé ignorer à sa maîtresse Jeanne qu’il était
démissionnaire et lui aurait indiqué qu’il était affecté au
Bureau de la Place des Invalides. (…)
PV du Commissaire de
Police d’Avignon (15 mai 1915) : « Le 5 mai, cet
officier s’est présenté au Commandant du dépôt pour dire qu’il
désirait rentrer dans ses foyers. Il ne donna pas de motif sur sa
décision ». L’adresse qu’il laisse au trésorier (57 rue des
Moines) ne correspond pas à celle de son beau-frère qui habite en
banlieue. Il s’installe à l’hôtel rue de Budapest du 7 mai au
21 juin 1915, date à laquelle il rejoint un régiment de zouaves aux
Dardanelles.
Bruera :
« Defner a donné subitement sa démission qui m’a causé
quelque surprise car il devait recevoir prochainement une nouvelle
affectation. Je lui ai demandé le motif de sa démission et il m’a
répondu qu’il en avait assez et qu’il voulait rentrer dans la
vie civile. Il a donné sa démission à 2 reprises mais je ne puis
préciser à quelle date. Au cours d’une conversation Defner m’a
dit que son cousin qui était entrepreneur d’électricité à Paris
avait quitté la capitale pour se fixer dans les environs de Paris.
Je considère Defner comme un fort brave homme et je suis convaincu
qu’il est absolument étranger à la mort d’Arizio. (…) J’ai
reçu hier dans l’après-midi un télégramme du capitaine Defner
qui me prie de lui faire suivre sa correspondance à l’adresse
suivante : « Oxford-Hôtel, 12 rue Budapest, Paris »
. Dans ce même télégramme que je vous représente, il m’annonce
que Casetta a été arrêté à Saint-Denis et a avoué son crime. »
Curieusement la
sûreté parisienne ne préviendra officiellement la juridiction
d’Avignon de l’arrestation de Casetta, apprise par un article du
Petit Parisien que quatre jours après ce télégramme, ce qui
laisse à croire que le capitaine Defner était fort bien renseigné.
Dans toute
l’affaire, les policiers, comme plus tard les militaires se sont
contenté d’enregistrer mollement les déclarations des officiers
et de les croire sur parole sans vraiment creuser les points
litigieux de leurs déclarations. De même, les demi-mondaines (qui
étaient donc à moitié considérées comme des femmes du monde et
s’étaient déjà retrouvé d’autres amants respectables) n’ont
pas été poussées dans leur retranchements, alors même qu’elles
mentaient sans vergogne. Avait-on peur d’une vérité plus
outrancière que celle toute faite de la comédie ? Le coupable,
le lampiste est forcément comme dans les vaudevilles le valet de
chambre, et Arlequin, serviteur de deux maîtres, s’est trouvé
pris dans une histoire dont il est lui-même impuissant à éclairer
les éléments les plus troubles.
Une lettre du
Lieutenant Arizio à sa maîtresse Marie (connue peut-être à Nimes,
puis partie pour Paris où elle continuera à entretenir une
correspondance amoureuse de femme blessée par le silence du
lieutenant depuis le début mai), prouve qu’il ne faisait pas le
joli cœur qu’avec Blanche, Jeanne, ou Mme Lecomte. L’intérêt
de la citer est que l’on constate en filigrane et malgré des
mystères insolubles, que la situation d’Arizio n’était
peut-être pas aussi idyllique avec ses camarades de la légion
garibaldienne, et qu’il n’avait effectivement plus un sou. En
était-il réduit à se faire entretenir même par ses maîtresses ?
Ma chère petite
Marie, tu dois te demander ce que je deviens et comme cela se fait
que je ne t’ai pas encore écrit, surtout après la preuve que tu
viens de me donner de ta confiance et de ton dévouement. Le
capitaine B. doit t’avoir envoyée une dépêche t’annonçant mon
départ à Nîmes. Il s’agissait toujours de la même chose :
j’ai dû donner des explications à l’intendance, et ils ont
encore trouvé le moyen de me faire payer je ne sais quoi, en me
réduisant à l’ablatif le plus absolu (…) Je me suis retiré à
Sorgues, un petit patelin à 10 km d’Avignon. Le capitaine B. vient
me voir tous les jours et c’est la seule personne que je vois. Je
n’en peux plus de toutes ces histoires et de ces faux amis qui
après mille promesses m’ont laissé dans le pétrin ! (…)
Je voudrais te dire intégralement ce que mon cœur me dicte pour toi
et toute l’admiration que ton acte m’a suscité… Tâche de les
deviner, et pense qu’en répondant à l’appel que je me suis
permis de t’adresser, si tu avais conquis moi-même mon cœur et
mon âme par ton amour lui-même, tu me possèdes maintenant
entièrement parce que tu as pris aussi mon âme et mon corps et
toutes les plus douces manifestations de vie intellectuelle et
morale. (…) Je n’oublierai jamais le service que tu viens de me
rendre, me connaissant si peu et ayant confiance seulement en mon
amour, poussée par une délirante générosité de sentiment et de
cœur…
Deux lettres de
cette Marie parviennent à Avignon après la mort d'Arizio, l'une du
4 mai, l'autre du 5. On croit déceler dans la première un fait
jamais évoqué par ailleurs, -ou n'était-ce qu'un prétexte
d'Arizio pour justifier sa situation pécuniaire ? - qui
pourrait expliquer la disparition de la bague aux serpents :
« Plus je
réfléchis, moins je comprends ton silence, tu me fais beaucoup,
beaucoup de chagrin.
A-t-on rattrapé ton
voleur. Je viens d'apprendre par ma bonne qu'avant-hier on a arrêté
à Paris, Passage Choiseul, un garbaldien qui s'était sauvé il y a
quelques temps ; je vais m'informer de son nop et je te le
dirai ; si c'était lui !.. » Marie envoie un
nouveau télégramme le 6 directement au régiment. Cette missive
n'aurait-elle pas dû alerter quelque ami d'Arizio, la chambre
n'étant toujours pas ouverte ? Le 16 mai, une certaine
Augustine Caillot, à Paris également s'inquiète aussi de l'absence
de nouvelles.
On apprend par la PV
du 15 mai que Jeanne – qui nie avoir jamais eu de relations avec
Casetta - que le capitaine Dorfner avait loué une chambre dans une
maison meublée : « Ce dernier avait l’habitude de
laisser la clé dans la serrure de la porte de cette chambre, et
c’est ainsi que Casetta allait quelquefois remplir le rôle
d’ordonnance du capitaine.
Bruera Albert (le 11
mai) : « Arizio m’a indiqué, je ne puis préciser la
date, mais probablement le lundi 3 mai, qu’il avait fait demander
par son ordonnance Casetta sa note de l’Hôtel du Louvre et que
cette note lui avait été remise. Il m’a indiqué le montant qui
était, je crois, de 90 francs environ. (…) Je savais, comme
mes camarades que c’était Casetta qui détenait la clef de la
chambre de l’hôtel du Louvre. Je suis donc convaincu que quand
Arizio est rentré à l’hôtel le 3 mai à 10 h 3/4, Casetta était
dans la chambre. »
Déclaration d’Audon
Lydie (11 mai) : « Le nommé Casetta, soldat au 1er
étranger, remplissait les fonctions de commissionnaire du Capitaine
Bruera. A ce titre, il est venu plusieurs fois chez M. Bruera. »
Blanche Richieu (11
avril 1915) : Casetta remplissait bien ses fonctions
d’ordonnance et il lui arrivait dêtre employ par le capitaine
Defner et un autre officier français qui habitait également l’hôtel
du Louvre. A Sorgues, Casetta faisait parfois la cuisine et préparait
des mets de son pays pour son officier et ceux qui étaient avec lui.
12°- La dame
Blanche aurait fait cadeau à Arizio d’une médaille portant
l’inscription « B… à son cher Angelo et une date.
Blanche : « Je
n’ai jamais vu d’autre bijou à Arizio qu’une bague en forme de
serpent qu’il portait à l’annulaire, une montre en acier bruni à
laquelle était appendue une médaille argentée. J’ai donné à
Arizio une médaille argent oirtant l’inscription : «
B. à son Angelo, 15 mars 1915 »
Déposition de
Catherine Gamonet dite « Jeanne » : « Je n’ai
jamais eu de relations intimes avec Casetta. Je connaissais pour
l’avoir vu plusieurs fois en compagnie du capitaine Defner le
lieutenant Arizio dont l’ordonnance venait quelquefois brosser les
effets du capitaine. (…) Il est faux que j’ai fait
disparaître l’imperméable du capitaine Defner. »
Après avoir
séjourné à Paris, le capitaine Marfella rejoint la légion
étrangère. Rama reste à Avignon
Bertello quitte
Avignon le 11 mai pour le dépôt de Lyon.
Bruera, après un
séjour à l’hôpital de Vichy, et au dépôt de Lyon rejoint le
A.O., secteur de Salonique.
PV commissariat de
police le 16 mai : « Les objets transportés à la morgue
de l’hôpital Sainte-Marthe en même temps que le cadavre du
Lieutenant Arizio ont été désinfectés. La pèlerine, une longue
corde et un morceau de lacet laissé dans la chambre de l’hôtel
ont été saisis (…) Sur le parquet de la chambre se trouvaient une
paire de souliers -à l’un des souliers manquait un lacet. L’autre
soulier était muni d’un semblable au morceau ayant servi à
attacher un bout du drap qui enveloppait le cadavre du lieutenant
Arizio. Il n’a pas pu être découvert la provenance de la corde
qui entourait le cou du lieutenant Arizio.
Inventaire
des objets trouvés dans la chambre 8 (extraits) :
Suspendus
à un crochet de fer derrière la porte d’entrée à droite :
trois courroies avec boucles, une calotte en toile bleue, deux
cravates bleues d’ordonnance, une ceinture rouge, un pantalon bleu
en toile, une veste courte en drap noir.
Sur
la cheminée : un étui à lorgnon… sur une petite table
devant la cheminée : une cravache, un lorgnon dont un verre est
brisé en partie.
Sur
la cantine : un pantalon en drap bleu, un caleçon en coton
gris.
Deux
couvertures en laine grossière grise.
Dans
le troisième tiroir de la commode : un petit réchaud à
essence.
Sur
le parquet : une paire de souliers, une paire de guêtres, une
paire d’éperons, un bas de femme -coton mauve.
Dans
la vareuse : poche extérieure, une médaille représentant un
ange en relief, l’autre face cette inscription « B. à son
cher Angelo, 15 mars 1915 », une balle de fusil allemand.
Dans
une veste courte en drap noir : dans une poche -une lettre
adressée à Casetta, une note de frais Hôtel du Louvre – une
photo sur carte postale capitaine Rgt étranger.
Objets
retrouvés dans la chambre de Casetta à Saint-Denis, considérés
comme le produit du vol :
Une
petite montre en métal oxydé, une pendeloque en moire, une médaille
représentant un guerrier, un trèfle portant la date 1914, une
trousse de voyage, un étui à cigarettes, une boîte laquée, un
porte-cigarette en cuir, une brosse à habits, un revolver
d’ordonnance modèle 92, un étui revolver. Un manteau imperméable
soustrait au capitaine Bruera.
Interrogatoire
de Casetta (28 juin 1915) :
D :
- Pourquoi avez-vous emporté le revolver de votre lieutenant ?
R :
- C’était à titre de souvenir de mon séjour dans la légion des
Garibaldiens.
Photographie
retrouvée dans la chambre du Lt Arizio : le dossier ne précise
pas qui tien la bride du cheval
Du
PV de déclaration de Froment Armand, aubergiste à Sorgues, il
ressort : que le lieutenant Arizio a séjourné à trois
reprises à l’Auberge de la Gare, du 30 mars au 6 avril (
« Lieutenant Aurizeau et Madame » -on apprendra qu’il
s’agit de Blanche Richieu). Cassetta (sic) aux mêmes dates ainsi
que du 16 au 20 avril 1915. Arizio a effectué seul un dernier séjour
du 27 avril au 3 mai, date à laquelle il a quitté Sorgues pour
accompagner à la gare d’Avignon, un camarade, Lecomte, qui partait
pour Brest. Il semblerait qu’il ait tenté de raccompagner à son
domicile Mme Lecomte avec qui il avait rendez-vous, mais qu’un
autre officier l’ait devancé. « Le lieutenant prenait ses
repas à l’Hôtel de la Gare quelquefois avec d’autres officiers,
ses camarades. Parfois son ordonnance Casetta mangeait à la même
table, mais le plus souvent, Casetta mangeait à la table des
patrons. L’officier et l’ordonnance préparaient de temps à
autre eux-mêmes, un plat à la mode italienne et qu’ils mangeaient
ensuite ensemble. M. Arizio paraissait affectionner son ordonnance
Casetta, qu’il traitait non d’un subordonné mais d’un camarade
en qui il avait toute confiance. Par contre, Casetta était considéré
à Sorgues, comme étant non seulement d’un caractère taciturne,
mais il affectait de ne jamais parler. C’est ainsi que Casetta n’a
jamais rien dit au sujet de sa libération prochaine. Tout au
contraire, on pensait plutôt qu’il ne quitterait jamais son
officier Arizio. On suppose que Casetta habitait Turin avant de
s’engager dans la Légion étrangère (-faux -). Il exerçait,
croît-on la profession de boucher et de coureur cycliste. Il aurait
même gagné en Italie un prix de 2000 francs. On ignore l’époque
(…) [Les spécialistes seront sans doute plus à même de trouver
les bonnes informations, mais il semble qu’un Giovanni Casetta ait
terminé en 20è place du tour d’Italie 1913, et qu’il ait
participé au Tour de France 1914] . A Sorgues, l’officier ne
couchait pas dans la même chambre que l’ordonnance.
Casetta
(17 février 1916) après la lecture de la déclaration d’Armand
Froment qui dit ne pas savoir d’où provenait l’argent de la note
de l’hôtel de Sorgues : « J’affirme que j’ai réglé la
note, que je l’ai payée avec mon propre argent.
D :
-A quelle date avez-vous prêté à votre officier les autres
cinquante francs.
R :
- Au mois d’août.
D :
- N’est-ce pas en vue de vous éviter des frais que votre officier
vous faisait coucher dans sa chambre ?
R :
-Je ne crois pas. Mon officier, à ce qu’il m’a dit, craignait
d’avoir des étourdissements la nuit et c’est pour avoir
quelqu’un qui pût lui porter secours qu’il me faisait sans doute
rester. (…)
D :
- N’avez-vous pas porté à votre officier quatre coups de barre à
la tête ?
R :
- Je ne puis rien dire car en vérité je ne me rappelle plus rien…
et je vous déclare que je n’ai plus rien à dire.
Certificat
médical du Dr Giacomo Gabbio, médecin municipal de Canale, le 15
août 1915 :
« Je
certifie que Casetta Giovanni a toujours présenté depuis son
enfance des phénomènes de faiblesse psychique avec des accès
convulsifs d’otigine héréditaire, son père étant atteint de
pricastenie chronique, d’alcoolisme et de syphillis. La mère,
syphilitique elle aussi, et morte jeune était sujette à des
troubles nerveux qui ont abrégé son existence. »
Maître
Nathan, le défenseur de Casetta demandera, en vain, sur la base de
ce certificat médical, une expertise déterminant l’étendue de la
responsabilité de son client. La justice militaire en revanche
s’intéressera à d’autres examens médicaux, bien typiques de
l’époque, et des plus suspects.
Ce
rapport, remis à la justice le 20 octobre 1915, émanant des
médecins militaires Boinet et Boudon commence par un
interrogatoire :
Casetta
interrogé par nous commence par nous répondre qu’il n’a rien à
dire. Pressé de questions sur les motifs qui l’ont poussé à
assassiner son lieutenant, il répond que ce dernier lui devait une
centaine de francs dont il lui avait demandé en vain à plusieurs
reprises le remboursement. Ce qui l’irritait surtout, c’est que
le lieutenant dépensât cet argent avec des femmes. Il en
fréquentait deux ou trois et avait contracté à leur contact la
blennoragie (sic). A la question que nous lui posons de savoir si le
lieutenant lui avait fait des propositions contre nature, Casetta
répond : « Le lieutenant m’embrassait, surtout dans sa
chambre, mais il lui est arrivé une fois de m’embrasser en public,
à Sorgues, dans un café. Il m’a proposé plusieurs fois de
coucher avec lui, mais j’ai toujours refusé. » Précisant
les détails, nous demandons à l’inculpé si, oui ou non le
lieutenant s’est livré sur lui à des actes de pédérastie. Il
nous répond : « Jamais il n’a fait de tentatives en
raison de mes refus. »
Selon les précis de médecine légale
en usage dans les administrations (police comprise) jusqu’à la fin
des années 30, le « pénis de chien » était uen preuve
incontestable de pédérastie active. Remarquons toutefois que
Casetta ne présentait aucune trace de maladie vénérienne, or, ce
genre de chose ne se guérit pas spontanément.
Le même examen n’a pu être pratiqué
par le légiste sur la dépouille du lieutenant Arizio, en raison de
son état de décomposition avancé.
Moins anecdotiques sont les remarques du
défenseur Abel Nathan, qui réussit à faire annuler la procédure
primitive, l’inculpé n’ayant bénéficié de l’assistance
d’aucun traducteur ! Il invoque l’exemplarité de la
conduite de Casetta qui n’a encouru aucune punition depuis son
entrée au service. Il dénonce la légèreté et l’inconséquence
de la justice militaire (et là, quoi qu’il en soit de la véracité
du propos, c’est peut-être une bévue) démontrant d’une part
qu’il s’agit d’un meurtre et non d’un assassinat (absence de
préméditation) et que la peine de mort n’a pu être prononcée
que sur la base de la concomitance du vol des effets personnels
d’Arizio et de sa mort, concomitance qui n’a jamais été
démontrée, le produit de ce prétendu « vol » n’étant
constitué que d’objet sans aucune valeur, tous les rapports des
rapporteurs auprès des conseils de guerre restant d’ailleurs sans
conclusion. Il aurait fallu remarquer aussi que le seul objet de
relative valeur que possédait Arizio, la bague aux serpents, n’a
été retrouvé ni dans la chambre de Casetta à Saint-Denis, ni dans
la chambre n°8 de l’hôtel du Louvre. Si elle avait été vendue,
du vivant d’Arizio, un témoin n’en aurait-il pas remarqué la
disparition ?
« Ces allégations sont confirmées
par le fait que le lieutenant avait perdu au jeu des sommes assez
importantes (fait établi à l’audience) et qu’à Avignon où il
menait joyeuse vie… il était sans ressources personnelles… le
lieutenant Arizio n’a jamais reçu aucun mandat alors que Jean
Casetta en recevait régulièrement. Le lieutenant Arizio était en
ancien officier de l’armée italienne qui avait démissionné. Il
avait fait ensuite du commerce à Turin et y avait fait l’objet
d’un jugement déclaratif de faillite -rétracté postérieurement-
à la suite duquel il avait quitté son pays pour habiter Paris où
il était un très modeste employé de commerce. »
Une lettre du consulat italien évoque
l’état de gêne dans laquelle se trouvait la famille d’Arizio,
sa mère et sa sœur hésitant à se porter partie civile en raison
des dépens et sollicitant l’aide juridictionnelle.
Pierre Rama (30 juillet 1915) : Mon
camarade, le lieutenant Arizio avait en Argonne d’assez fortes
sommes d’argent mais depuis son retour à Avignon, il ne vivait que
de sa solde et d’une somme d’argent qu’il avait reçue.
(Je souligne, car l’interrogateur change immédiatement de sujet)
Interrogatoire de Blanche Richieu (11
juillet 1915) :
D : - Pouvez-vous nous fournir
quelques renseignements sur la situation financière du lieutenant
Arizio ?
R : - Je ne puis vous fournir à ce
sujet de grandes précisions : cet officier m’a déclaré
avoir perdu des sommes d’argent au jeu durant son séjour à
Bar-sur-Aube après avoir quitté l’Argonne. Je sais cependant
qu’il aurait reçu une somme, deux cent francs, je crois, vers le
10 avril 1915.
Le 28 mai, une commission rogatoire
émanant de la sûreté de Marseille est émise à l’effet
d’entendre (pour le compte du juge d’instruction de la 4è
division) à l’effet d’entendre trois jeunes gens de la
domesticité de l’hôtel du Louvre, qui ont quitté Avignon entre
le 4 et le 10 mai. Si cette piste est (peut-être un peu trop
rapidement) abandonnée, elle montre ce qui au sein du personnel de
l’hôtel était de notoriété publique.
Il s’agit de
Marius Fage, 17 ans, rue Nationale n°72
François Barnaud, 18 ans, même adresse
Paul Paoletti, 15ans et demi, quartier Bonino
Les deux premiers sont soupçonnés par le sous-commissaire (en raison sans doute de leur adresse commune de s’être entendus sur leur témoignage concernant le fait que la dernière nuit de garde du premier aurait eu lieu le 2 mai, et non dans la nuit du 3 au 4.
Paoletti Paul, 15 ans, électricien :
« J’ai été employé à l’hôtel du Louvre à Avignon du
28 mars 1915 au 9 mai courant, comme caviste. Là, j’ai connu le
lieutenant Arizio de vue seulement, mais je n’ai jamais lié
conversation avec lui, me contenant de le saluer. (…) Je n’ai su
que le lieutenant Arizio avait une ordonnance qu’après sa mort,
car à ce moment il m’a été dit que c’était le soldat qui
entretenait l’automobile du lieutenant Rama qui était en même
temps l’ordonnance du lieutenant Arizio [Ce garçon servait
décidément à tout!]J’ai vu le lieutenant Arizio pour la dernière
fois environ quinze jours avant la découverte de son cadavre. Ce
soir-là j’étais de garde et le lieutenant m’a commandé une
bouteille de champagne que je lui ai apportée dans sa chambre où il
se tenait en compagnie de deux dames et attendait un officier de ses
amis... Le lieutenant Arizio était très aimable et très poli avec
le personnel de l’hôtel, mais n’entretenait à ma connaissance,
aucune familiarité avec les employés. C’était son ordonnance qui
faisait le nettoyage de sa chambre. Il couchait paraît-il à terre
dans la chambre de son officier et était très lié d’amitié avec
lui. Il m’a été dit qu’à son arrivée à l’hôtel, le
lieutenant Arizio avait recommandé au personnel d’avoir pour son
ordonnance les mêmes égards que pour lui-même. D »ailleurs
lorsque l’officier amenait des dames dans sa chambre, l’ordonnance
y passait également la nuit en leur compagnie. »
Fages Marius, 17 ans : « J’ai
été employé comme garçon de salle à l’Hôtel du Louvre, à
Avignon de septembre 1914 au 4 mai courant… Le lieutenant Arizio
était très familier avec le personnel de l’hôtel et
particulièrement avec moi. Lorsqu’il entrait le soir, si j’étais
de garde à l’hôtel, il me serrait la main et me causait
volontiers. Il m’a raconté que son ordonnance Casetta lui était
tout dévoué, et que c’était par attachement à la personne de
son officier que ledit légionnaire restait à la Légion étrangère,
car il avait plus d’argent que son maître. Par contre je ne
fréquentais pas le soldat Casetta qui de son côté ne m’adressait
que très rarement la parole. J’ai vu le lieutenant Arizio pour la
dernière fois le dimanche 2 mai courant, vers 10 heures du soir. Il
est rentré à l’hôtel en automobile en compagnie du
sous-lieutenant Rama ; il m’a dit de lui faire préparer sa
note car il devait aller passer quelques jours dehors.(…) Je n’ai
jamais entendu de discussion entre le lieutenant Arizio et son
ordonnance. J’ai quitté l’hôtel du Louvre parce que je ne m’y
plaisais pas et voulais venir à Marseille. »
Barnaud François, garçon de
restaurant : « J’ai été employé à l’hôtel du
Louvre à Avignon pendant un mois et quelques jours ; je l’ai
quitté le samedi 9 mai courant. Je connaissais le lieutenant Arizio
et son ordonnance, mais de vue seulement, comme clients ; je
n’avais jamais lié conversation avec l’un ni avec l’autre.
J’ai vu le lieutenant Arizio pour la dernière fois le dimanche 2
mai lorsqu’il est venu en automobile avec le sous-lieutenant Rama.
Je ne connaissais pas dans quelles conditions se trouvaient le
lieutenant et son ordonnance ; je sais seulement qu’ils
couchaient souvent dans la même chambre à un seul lit.(…) Tous
les locataires peuvent sortir la nuit garçon de garde qui dort le
plus souvent dans le bureau où se trouve un lit mais il est
impossible de rentrer à l’hôtel sans réveiller le garçon et se
faire ouvrir la porte par lui. J’ai quitté l’hôtel du Louvre à
Avignon pour venir à Marseille où je croyais trouver une situation
meilleure. »
Conclusion : l’assassin ne
pouvait que se trouver à l’intérieur si le crime a eu lieu à
l’heure dite, ou bien, comme c’était le cas d’autres officiers
et du personnel, à supposer qu’il n’y ait pas eu de complicité,
il a attendu le lendemain pour ressortir. En admettant que Casetta
ait dit vrai et n’ait pas refermé la porte en s’en allant, qui a
bien pu fermer à clé la porte de la chambre 8 et qu’est devenue
cette clé que seul Casetta possédait si elle n’a pas été placée
dans la serrure de la chambre 16, qui permit finalement d’ouvrir
pour découvrir le crime ?
Il faut citer aussi une lettre anonyme
parvenue au procureur de la république d’Avignon qui fut prise
pour une simple malveillance :
« Le 10 mai 1915, Monsieur le
Procureur,
L’assassin du lieutenant Arizio ne le
cherchez pas trop loin, cherchez-le dans l’hôtel-même et vous le
trouverez sûrement parce qu’un maître d’Hôtel ne doit pas
garder une chambre fermée pendant 3 jours sans se rendre compte du
motif. »
La déposition du garçon d'étage,
Marcel Luttringer, couchant à l'étage supérieur n'apprend rien de
nouveau. Il est aller se coucher après son service qui s'achève à
21h30 : « Je n'ai pas vu entrer ou sortir le lieutenant
Arizio et son ordonnance dans la soirée du 3 ou du 4 mai courant.
Pendant la nuit je n'ai rien entendu de suspect. J'ai toujours cru
comprendre que le lieutenant Arizio était bien d'accord avec son
ordonnance. »
PV du 14 mai 1915 : « « Des
renseignements puisés au dépôt du 1er régiment
étranger, il résulte que le lieutenant Arizio a touché, sur sa
demande, une avance sur sa solde de 140, 70 francs, le 15 avril 1915.
Le 30 avril dernier, il toucha le solde, sit 179, 80 francs= solde
mensuelle 320, 50 francs. <sa demande d'avance de fonds laisse
croire que le lieutenant Arizio était dans la gène. Au régiment on
ne s'occupait pas du genre de vie que menait cet officier. On suppose
qu'il dépensant son argent avec des femmes. Il est exact que le
sergent major de la compagnie a détourné une somme de 7 à 800
francs. Il s'est enfui en emportant cette somme. Bien que le
lieutenant Arizio fût à ce moment Commandant de compagnie, il n'a
pas été déclaré responsable du détournement et n'a pas été
tenui de rembourser l'argent.(…) On ignore la somme d'argent que
pouvait posséder Arizio au moment du meurtre. On suppose que cette
somme devait être peu élevée – une centaine de francs au
maximum. »
« Ce matin à 9 heures s'est
présenté au Commissariat M.Salimbéni Joseph,[ajusteur mécanicien]…
en disant qu'il venait de voir sur le Petit Parisien de ce
jour que le lieutenant Arizio de la légion « garibaldienne »
sous les ordres duquel il avait servi avait été assassiné à
Avignon et que son ordonnance avait disparu. Il nous a affirmé qu'il
venait de remarquer celui-ci rue de Paris à Saint-Denis, à
proximité du marché (…) [Rentré à l'hôtel] Casetta s'est rendu
à la chambre n°38 occupée par un de ses compatriotes nommé
Girando. »
Casetta, le 9 mai, devant le commissaire
de police. De ce large extrait de la première version des faits,
chacun se fera une idée des déclarations mensongères, et de celles
qui pourraient refléter une vérité différente de ce qu'ont voulu
croire les autorités militaires : « Lundi 3 mai courant vers
10 heures du soir, je suis venu chez le lieutenant Arizio dans la
chambre d'hôtel qu'il habite pour lui réclamer une somme de cent
francs que je lui avais prêtée alors que je trouvais sous ses
ordres, à la 12è Cie du 1er étranger. Le lieutenant
Arizio, qui était seul et se disposait à sortir, m'a ouvert. Dès
les premiers mots de ma réclamation il s'est fâché. Il était du
reste pris de boisson. Il m'a prié de sortir. Comme je refusais pour
obtenir satisfaction, il a saisi son revolver et l'a braqué dans ma
direction. J'ai eu peur. J'ai saisi un morceau de bois qui se
trouvait dans la cheminée et en ai frappé à la tête le lieutenant
Arizio. Je ne me rappelle pas si je lui ai porté plusieurs coups. Il
est tombé sans connaissance sur le parquet de la chambre. J'ai pensé
que je l'avais seulement étourdi. Je lui ai pris son revolver que
j'azi gardé et je suis parti. Je n'ai été vu par personne. Le
lendemain j'ai pris le train pour Paris où j'ai passé la nuit. Le
lendemain, c'est-à-dire mercredi dernier, je suis venu à
Saint-Denis, 29 route de la Révolte.
D : -
N'étiez-vous pas l'ordonnance su lieutenant Arizio ?
R : - Non,
j'étais plutôt son ami. Il m'est arrivé quelquefois de lui servir
d'ordonnance, peut-être quatre ou cinq fois ; Le lieutenant
n'avait pas d'ordonnance.
D : - Y a-t-il
eu des témoins des prêts d'argent que vous avez consentis au Lt
Arizio ?
R : Non. Je
sortais assez souvent avec lui et c'est au cours de ces sorties que
je lui prêtais de l'argent..
D : -
Savez-vous si le revolver du lieutenant était chargé ?
R : - C'est
parce que j'en étais à peu près certain que j'ai eu peu pour ma
vie et que je me suis défendu. Du reste le lieutenant était d'un
caractère très violent. (…) J'avais reçu quelques jours
auparavant de l'argent de mes parents, 300 francs je crois. C'est
avec cet argent-là que j'ai vécu jusqu'ici.
D : - Vous
n'aviez pas alors un besoin urgent de rentrer en possession des cent
francs prêtés à M. Arizio.
R : - Si ;
car je voulais repartir chez moi en Italie.(…)
D : - Quelle
est la provenance de la montre de poignet trouvée sur vous ?
R : - C'est le
lieutenant Arrizio qui me l'a donnée il y a un mois environ.
Casetta, lors de sa première
comparution devant le tribunal de 1ère instance de la Seine, le 10
mai 1915, déclare: « Je reconnais avoir frappé le lieutenant
Arizio. Je n'avais pas l'intention de le tuer. Si j'ai agi ainsi,
c'est qu'il avait braqué son revolver dans ma direction. Je n'ai pas
besoin d'avocat. »
Le
recours
en révision rejeté le 5 avril 1916, Casetta
ayant déclaré lors d'un des interrogatoires litigieux qu'il
« comprenait parfaitement les question » et n'avait pas
besoin d'un interprète. Est rejetée aussi la demande d'expertise
mentale destinée à évaluer sa responsabilité, sous le prétexte
qu'elle occasionnerait des frais supplémentaires.
Giovanni
Antonio Casetta est fusillé à Marseille, Champ de tir du Pharo, le
1er mai 1916 à 4h30.
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