vendredi 8 février 2013

Chuck Renslow: maîtres et gigolos

Mais ce n'était pas au départ Dom Orejudos avec qui Steward cherchait à se lier, mais avec son compagnon, Chuck Renslow pour lequel il va éprouver une fascination grandissante.

Dom Portrait de Chuck Renslow portant un ankh dans une boule de lumière sur fond de hiéroglyphes


Pour avoir une idée plus précise de qui était Chuck Renslow, on se rendra ICI.

En 1958 à  l'époque où Steward rencontre Renslow, il a 28 ans et édite depuis six ans déjà le magazine Tomorrow's man, fondé par Irv Johnson.




Renslow a aussi fondé Kris Studio (en 1954) qui vend par correspondance du matériel de nu: une soixantaine de ses photos de bodybuilders les moins explicites ont déjà été publiées en suisse par Der Kreis.
Parmi les premiers modèles figurent certains bodybuilders qui ne poseront jamais nus, et poursuivront une carrière professionnelle loin des studios de physique photographie qui se multiplient à partir du milieu des années 50:

Chuck Renslow, série de photographies de Bill Seno
 





Rodolph Burckhardt, qui publiera bientôt les essais Ward Stames et avait ouvert les colonnes de Der Kreis dès le début des années 50 aux poèmes de John McAndrews (autres pseudonymes de Steward), avait aussi engagé Platt-Lynes qui lui fournissait des nus artistiques sous le pseudonyme de Roberto Rolf:




Mais la véritable fortune de Renslow commence quand il rachète le 1er mai 1958 le gymnase d'Irv Johnson, salle de musculation la plus populaire de Chicago qu'il renomme Triumph Health studio, et à travers laquelle il va mettre la main sur tous les concours de bodybuilding régionaux. Pour faire la promotion de la salle, il édite Triumph, magazine qui ne connaîtra qu'un seul numéro:


Extrait de Justin Spring Samuel Steward: secret historian:

Quand Steward rencontra [Chuck et Dom] pour la première fois, ils vivaient dans une pièce pauvrement meublée à l'arrière de leur salle de gym. Comme Orejudos le dira plus tard: "C'était LA salle de muscu de Chicago... que du matériel en libre service... Parfois après la fermeture nous recevions, on y donnait de petites orgies, c'était un espace très modulable. Et puis il y avait les douches juste à côté... c'était comme avoir une salle de jeu à domicile"...


Grâce à ses contacts étroits avec les nombreux bodybuilders qui fréquentaient la salle, Renslow savait lesquels étaient prêts à monnayer leurs services. Et quoiqu'il ne cessât d'affirmer "Je ne suis pas un maquereau, je suis un photographe", il ne nia jamais le rôle qu'il tint dans la rencontre des gigolos avec leurs clients, ni qu'il les utilisât lui-même aux mêmes fins pour sa propre satisfaction. 

Durant ses nombreuses années d'activité, Kris studios, fixera nombre d'athlètes, d'abord comme la loi l'y obligeaitn en posing strap, puis plus librement:

Kris studio modèles inconnus

 Kris studio Bob Thompson et Harry Helfin

 


imitant parfois le style de Mizer pour AMG
Kris Studios Roger Smeall et Ned Jarros
 


Photo de plateau du film The Guard visible ICI

Exemple d'un rare mélange de décors peints par Domingo (bientôt connu comme Etienne of Kris Studio par les publications amies) et de physique photographie (modèle John Bordis)



 




Steward désigna bientôt dans son fichier, Stud File, les prostitués occasionnels qui lui étaient recommandés par Renslow (et il y en eut beaucoup) sous l'abréviation "hommage de KPS", soit "Kris Pimping Service" (quelque chose comme "Kris Putexpress").


Pour sa deuxième rencontre avec Renslow, Steward fut invité à la Salle de gym pour dessiner des motifs de tatouages sur deux bodybuilders que Renslow devait photographier. Dès son arrivée Steward fut renversé par l'érotisme de la scène.
Au moment où j'arrivais, ils finissaient de photographier une beauté à couper le souffle, un certain Sig Osmanos (ou quelque chose dans le genre), une magnifique bête d'ukrainien... "le prochain Mr America, déclarait Chuck en flattant amoureusement son petit cul. Dom avait dessiné sur son ventre sa version de mon dragon ailé... Sur son bicceps de 70 cm de tour, il y avait un crâne et un drapeau, et haut sur l'intérieur de sa cuisse gauche, près du sexe, une tête d'aigle et une ancre...
Il s'agit de Sig Ulmanis, photographié à de multiples reprises par Kris. Les tatouages en revanche étaient des dessins éphémères. Aucune prise de vue répertoriée ne paraît correspondre à cette description...


 





Sig Ulmanis en duo avec David Selhime



 

 Dès 1952, Renslow photographia ses modèles nus, leur promettant s'ils acceptaient de s'y prêter, d'attendre 15 ans avant d'en faire une utilisation commerciale.

David Selhime nu frontal







Steward enchaîne:
Le modèle suivant était un certain Dick Ames. Il avait un corps sympathique, de beaux pectoraux, les hanches étroites, 60 cm de tour de biceps. En privé Chuck m'avait confié qu'il était à louer et ils parlaient librement devant lui. Nous l'allongeâmes sur une table de massage à l'extrémité modulable et je commençai à travailler sur lui. Dom esquissa un aigle sur ses pectoraux gonflés et je remplis le dessin avec l'encre noire que j'avais apportée. Dom, furetant de tous côté, dessina une mouche sur sa queue, et une petite arche de lauriers fleuris au dessus des poils pubiens, juste à la racine. Dick, allongé, accepta tout sans commentaires, et sinon avec bonne humeur, du moins sans rancœur ni plainte. Comment décrire mes sensations tandis que je travaillais sur sa peau magnifique (sans défaut) si proche d'un corps dont je savais qu'il était accessible contre rétribution. Je n'étais pas stimulé sexuellement, mais psychologiquement, en proie à une tornade interne; se sentir si proche, avec un garçon si disponible... Lorsqu'il posa de dos, c'était un rêve. la perfection des lignes douces déchirèrent mon vieux cœur... j'étais sûr que rien sur cette terre ne serait jamais aussi parfaitement beau.
Aucun modèle répondant à ce nom, ni à la description ne peut être identifié dans la liste officielle de ceux qui posèrent pour Kris studio. Celui qui se rapproche le plus de la description pourrait être le modèle qu'AMG photographiera sous le pseudonyme de Les Petroff
 





En février et mars [1959] Steward ne relata que peu d'incidents sexuels marquants, mais parmi ceux-ci une rencontre SM avec le professeur Hal Stevens ... Chuck renslow et Dom Orejudos participèrent au rendez-vous constitué de bondage hard, un faux kidnapping, diverses formes de flagellation, puis pour couronner le tout, à la plus grande horreur de Steven's, une course sur son dos pendant qu'il avait les yeux bandés du rat domestique d'Orejudos. Renslow goûta tellement la rencontre qu'il la décrivit plus tard comme le point de départ de sa vocation de dominateur.


Plusieurs mois plus tard, Steward consigna dans une entrée de son journal... que "l'agressivité naturelle" de Renslow avait durant l'été "bourgeonné en un des plus remarquables exemple de Sadisme qu'il m'ait été donné de voir"

C'est aussi pendant l'été 1959 que Chuck Renslow rencontre celui dont les images assureront la notoriété, jusqu'à nos jours de Kris Studio, George O'Mara.. Renslow en interview raconte l'avoir repéré "sur la plage à Oak Street... je suis allé vers lui et je lui ai demandé après une courte discussion s'il serait intéressé par le fait de faire quelques photos...

Les photos sur la plage en maillot de bain d'O'Mara, sont parfois créditées au photographe Joe Weber
mais rien n'est moins sûr. On peut remarquer que le maillot est le même, étrangement lacé sur le côté que dans la première photo habituellement attribuée à Kris:

 



 
.Celle qui servit en couverture de Tomorrow's Man est évidemment de Renslow


Renslow (interview): "George était très gentil, une personne merveilleuse, une belle personnalité. J'ai commencé à travailler avec lui (il recherche le contrat)... le 6 juillet 1959, et ça a duré six à huit mois. Il était déménageur pour Pickens-Cane. Son physique était naturel, il ne s'entraînait même pas! Il me reste de nombreuses photos de lui que je n'ai jamais rendues publiques. Pendant un temps nous n'avons plus eu de nouvelles. Nous voulions l'engager pour un film, mais impossible de le retrouver. Je voudrais bien savoir ce qu'il est devenu. En 1969, il s'est engagé dans l'armée."

Série abondamment reproduite dans diverses publications, Le Cadet:



 

 



 Les mêmes accessoires ont servi à Etienne pour sa série Cadets






Les accessoires ressortiront plusieurs fois des placards
Jack Stanford

 Billy Kidd


O'mara est aussi photographié en posing strap dans une série où l'on aperçoit certains éléments de décors de ce que devaient être les appartement privés du Triumph Gym







 



 


Renslow n'a évidemment pas raté l'occasion de le faire poser nu:

 

 

 

 
 quand Mizer le rhabille
 

 Visiblement inspiré, Renslow a même réussi certains clichés extrêmement poétiques

 

 



L'auteur de ces photos plus tardives n'est pas identifié



et la carrière de modèle d'O'Mara prend fin vers 1969 sous l'objectif de Jim French





Samuel Steward ne semble pas avoir approché O'Mara -peut-être n'était-il pas "disponible". En revanche Justin Spring affirme:

Par Renslow, Steward rencontrait maintenant [en 1959] prostitués sur prostitués, et dans certains cas développait avec eux des relations (payantes) durables -comme en particulier avec un ex Mr. Chicago, champion d'Illinois de de bodybuilding répondant au nom de Ralph Steiner.

Il poursuit en note: "Steiner, qui fut à la fois Mr Chicago et Mr Illinois, devint un officier de police de la ville de Chicago. Steward eut avec lui 36 relations sexuelles, la dernière en 1966, lors d'une visite à Chicago."

En fait, on ne trouve aucun modèle du nom de Steiner dans la liste de ceux qui furent photographiés par Kris Studio, mais Spring prévient que dans les cas les plus épineux, il utilise des pseudonymes. On trouve en revanche un certain Ralph Kleiner dont on apprend par la liste des participants au concours Mr America de 1962 (il ne fut pas élu) qu'il représentait Triumph Health Studio, titulaire du titre de Mr Illinois (et instructeur de bodybuilding) et dans un compte rendu judiciaire du 24 février 1972, on se rend compte qu'un certain Ralph Kleiner, officier de police de Chicago, témoigna contre Donald Frisco qu'il avait arrêté après une course poursuite dans sa voiture de patrouille.

Un gigolo qui devient flic, c'est toute la trame, qu'on pensait délirante et peu crédible de The Boys in blue de Phil Andros.

Quelques photos de Ralph Kleiner





Ralph Kleiner (Kris studio) sans doute à l'époque où Steward l'engagea pour la première fois




 Ralph Kleiner et un modèle non identifié (Kris studio)



Kleiner, photos plus tardives probablement par Bruce of Los Angeles







... Ce soir, écrit Steward dans son journal, il est prévu que je fasse de nouveau Ralph Steiner. Chuck m'a dit qu'il lui donnerait quelques "instructions" sur la façon de me traiter.

Mais, enchaîne Justin Spring, la rencontre avec Steiner fut un flop. "Ce qui le sauve, écrivit Steward le lendemain, c'est qu'il a l'heur d'être amusant, et plutôt charmant, car Ralph est un gentil grand garçon un peu crétin, et il n'y peut rien, quelque soit sa volonté d'essayer d'en sortir. Je lui ai expliqué que j'étais maso, et que je voulais qu'il me donne une correction. "Oh, non je ne pourrais pas! dit-il " Je ne vous connais pas suffisamment" Et voilà!"

En 1965, Renslow (à l'imitation de ce que font les autres studios et Bruce Bellas) fera tourner à Kleiner un petit clip, La Rose bleue qui fera son chemin jusqu'au festival de Cannes!


Couverture de Muscleboy, Ralph kleiner, photo de plateau de La Rose bleue





Décors et scénarios sont fabriqués par Etienne. Bien que le posing strap soit obligatoire, les auteurs s'arrangent dans la première partie pour que quelque chose dépasse du cache-sex de Steve Kotis, l'autre acteur du film.


 Kris Studio Steve Kotis
 


Planches promotionnelles pour d'autres films de Renslow: Room service


Samuel Steward, en tant que Phil Sparrow aurait même joué les utilités dans le film Tattoo, mais on n'en trouve pas la confirmation en image:

Journal de Steward et commentaires de Justin Spring:

"Maintenant avec l'attrait ajouté de son nouveau sadisme, il est devenu pour moi une figure des plus stimulantes... J'ai peur de lui et il me fascine. Sa foutue nouvelle personnalité de S, voilà le hic."
Car Steward avait fini par identifier le désir de punition et de discipline durant le sexe comme le point central de ses pratiques. Avançant en âge, sa libido diminuant à l'aune de la détérioration de son amour propre, il éprouvait un désir grandissant d'être maltraité, verbalement et physiquement.

"Hier soir, Frank Murphy est venu à la boutique, un ex-colocataire de Mike Miksche à New York. Je l'ai proposé à Chuck... Quoique je dise, Chuck ne veut rien faire pour moi... Oh ciel, comme je comprends maintenant la définition ironique qu'aimait à donner Kinsey du sadique: "une personne qui ne ferait même pas de mal à un masochiste... Qui aurait pu imaginer  quand je l'ai initié à sa première expérience en la matière avec Hal Stevens, que j'allais créer une sorte de monstre de Frankenstein, destiné à dévorer ma paix intérieure?.. Après la raclée donnée par Mike Mishke... le désir de ce genre de relations s'est évanoui pendant des années. Maintenant c'est vivace à nouveau. L'autre nuit Frank Murphy m'a parlé d'un jeune père de famille (un enfant), qui est un S accompli, et disponible pour seulement 15 $. Pourquoi pas? Ce n'est que 5 de plus que ce que Steiner demande pour une performance médiocre. Et peut-être cela chassera-t-il le désir pour quelques années, jusqu'à ce que je sois trop vieux pour m'en préoccuper."


1 commentaire:

  1. Magnifique assemblage de photos de Renslow!!! Merci! MERCI!! Merci beaucoup!!!

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