jeudi 10 janvier 2013

Pourquoi le marin?


William C. Shrout  Le directeur de l’USO club tenant un micro devant les pieds de marins qui font des claquettes, Virginia Beach 1942




Que se passe-t-il ici? où cela se passe-t-il surtout? Un happening du New York City Ballet? Une soirée parodique de défilée de mode? Et que dit la caricature au mur où l'on peut lire le mot Tiger?




Cette affiche de recrutement du 18è siècle le prouve; l'important pour faire un fusilier de marine, ce n'est ni l'habileté, ni l'intelligence, mais seulement la prestance et l'apparence: "Avis aux beaux hommes: ici l'on s'engage dans le Corps Royal des Fusiliers de la Marine. On y est bien habillé, bien nourri, on y voit du pays et l'on est bien appointé".

Lors des premiers Jeux Olympiques modernes, en 1896, une épreuve de natation (cent mètres nage libre) est réservée aux marins grecs


tandis que les autres épreuves de natations sont remportées par le hongrois Alfred Hajos
 




L'écossais Launceston Elliot gagna l'épreuve de lever de poids à une main, ayant perdu celle à deux bras sur l'intervention du rois Georges Ier, membre du jury: une partie du spectacle qu'il monta ensuite consistait à soulever 16 jeunes hommes vêtus en marins...

Et c'est en toute logique qu'un soldat grec, Spiridon Louis, remporta le premier marathon.



"L'homme qui revêt l'uniforme de matelot n'obéit pas à la seule prudence. Son déguisement relève du cérémonial présidant toujours à l'exécution des crimes concertés. Nous pouvons d'abord dire ceci: qu'il enveloppe de nuées le criminel... il lui donne d'avance l'oubli puisque le marin "revient de loin"... ces costauds de la Flotte de guerre, balancés, bousculés par et pour des manœuvres que nous voulons dangereuses, ces épaules, ces profils, ces boucles, ces croupes houleuses, coléreuses, ces gars souples et forts..."

                                                                                                  Jean Genet  Querelle de Brest

Sans doute ce portrait correspond aux photographies de l'équipage si mélangé de l'USS New-York, pris à l'extrême fin du dix-neuvième siècle











Course à trois pattes










"La nuit face à la mer. Ni la nuit ni la mer ne me calment. Au contraire. Il suffit que passe l’ombre d’un matelot… Il doit être beau. Dans cette ombre, grâce à elle, il ne peut être que beau. Le navire dans ses flancs contient des brutes délicieuses, vêtues de blanc et d’azur. Je désire chaque ombre que j’entrevois. Qui choisir parmi ces mâles tous plus beaux les uns que les autres ? A peine aurai-je lâché l’un que je voudrais l’autre. Seule me calme cette pensée qu’il n’existe qu’un marin, le marin. Et chaque individu que je vois n’est que la momentanée représentation –fragmentaire aussi, et réduite – du Marin. Il en a tous les caractères : la vigueur, la dureté, la beauté, la cruauté, etc… sauf la multiplicité. Chaque matelot qui passe sert à comparer le Marin. Tous les matelots m’apparaissent-ils vivants, présents, à la fois, tous, et aucun d’eux séparément ne serait le marin qu’ils composent et qui ne peut être que dans mon imagination, qui ne peut être qu’en moi et par moi. Cette idée m’apaise. Je possède le Marin.
….
Le Marin sera celui que j’aimerai."  Carnets du lieutenant Seblond in Querelle de Brest













On se demande devant ces photos des années 1910 s'il n'était pas courant pour les bourgeois américains d'avoir son marin comme les nobles français avaient leur danseuse.




 








J’entends la sirène (asso monnot)

J'entends encore la sirène
Du beau navire tout blanc
Qui voilà bien des semaines
Vint des Îles Sous-le-Vent
Lorsque à la marée montante
Il entra dans le vieux port
Je riais j'étais contente
Et mon cœur battait très fort
Le vent chantait sur la dune
Et jouait avec la mer
Où se reflétait la lune
Dans la ciel tout était clair
Le premier qui vint à terre
Fut un jeune moussaillon
Le deuxième un vieux corsaire
Puis un homme à trois galons
Donnez moi mon capitaine
Du beau navire tout blanc
Qui venez des mers lointaine
Un beau marin pour amant
Je l'attendrai sur la dune
Là-bas tout près de la mer
Au ciel brillera la lune
Dans mon cœur tout sera clair
Il est venu magnifique
Avec une flamme aux yeux
Venait des lointains tropiques
Savait des mots merveilleux
Me fit cadeau d'une une bague
Jura d'éternels serments
Que se répétaient les vagues
doucement
Nous étions seuls sur la dune
Le vent caressait la mer
Dans le ciel riait la lune
Et lui mordait dans ma chair
Est parti sur son navire
Son beau navire tout blanc
Est parti sans me le dire
Un soir au soleil couchant
J'entends toujours la sirène 
Du bateau qui l'emporta
Sa voix hurlait inhumaine
Tu ne le reverras pas
Et depuis lors sous la lune
Je vais écouter le vent
Qui vient le soir sur la dune
Me parler de mon amant





vers 1930













Les Marins, ça Fait Des Voyages:


Il m'avait dit seulement "je t'aime"
Et ces mots-là, ça compte tout de même.
On s'est aimé huit jours tout plein
Puis il m'a dit un beau matin :
"V'là que j'm'en vais. N'aie trop d'peine.
J'suis matelot, faut qu'tu comprennes."

"Les marins ça fait des voyages.
On reste jamais pour bien longtemps.
On part joyeux, on revient content.
Des fois; bien sûr; y a les naufrages,
Mais les retours c'est tout plaisir
Et nos amours peuvent pas mourir.
On sait qu'on r'part, on n'a pas l'coeœur
De s'faire du mal à son bonheur.
Faut pas pleurer ! Aie du courage !
La mer est belle et puis dis-toi
Qu'on n'y peut rien ni toi ni moi
Et qu'les marins, faut qu'ça voyage."

J'l'ai vu partir sur son navire.
Y m'faisait d'loin un beau sourire,
Et d'un seul coup je n'l'ai plus vu
Et puis l'bateau a disparu.
La mer chantait d'une voix câline.
On a parlé comme des copines.

Les marins ça fait des voyages.
Ça reste jamais pour bien longtemps.
S'il revient joyeux, il repart content.
Pour les aimer, faut du courage,
Mais les retours c'est tout plaisir
Et leurs amours peuvent pas mourir.
Le voilà qui part, mon pauvr'bonheur.
Dessus la mer vogue mon cœur
Mais v'là qu'je pense qu'y a des naufrages.
Sois bonne, la mer : ne l'garde pas.
Si tu veux bien, on partagera,
Comme les marins, faut qu'ça voyage.

J'l'ai attendu pendant des s'maines,
Et puis maint'nant c'est plus la peine.
Il m'a fait dire par ses amis
Qu'y r'viendrait plus, qu'c'était fini.
Il m'avait fait cadeau d'une bague.
Je l'ai jetée au creux des vagues.

Les marins ça fait des voyages.
On les espère pendant longtemps.
Y'en a qui r'viennent de temps en temps.
D'autres s'font crocher l'cœur au passage.
Y a plus d'retour, y a plus d'plaisir.
Y a plus d'amour, y a qu'à mourir.
Celui qu'j'aimais, y r'viendra pas
Et puis s'y r'vient, il recommenc'ra,
Car les marins, faut qu'ça voyage.
Ça court toujours vers d'autres bonheurs
Et ça nous laisse avec notre coeœur,
Notre coeœur fané pour tout partage


Marins russes

1944 marins du croiseur Molotov
flotte de la Baltique 1942


Marin grec


Clichés du musée de la marine australien:
Les marins du croiseur français Bellatrix à Sydney en 1930



 Marins espagnols à Sydney












Tiens v’la un marin (Labadie-bouquet)

Tiens ! V'là un marin
Il est encore loin
Mais on voit de loin
Que c'est un marin...
Tiens v'là un marin
Ce n'est pas le mien
C'est jamais le mien
Mais c'est un marin
C'est presque le même 
Le même que celui
Qui m'a dit "Je t'aime, 
Je t'aime pour la vie"
Tiens ! V'là un marin
Sacré nom d'un chien
C'est chouette un marin
Quand ça vous revient
Tiens ! V'là un  marin
Moi j'aime les marins
De voir ce marin
Ça me rappelle le mien
Ça m'rappelle que j'aime un homme
Un homme, mon homme
Qui porte le même uniforme
Que porte l'homme qui vient
Tiens ! v'là un marin 
Valise à la main
Il a sur les reins 
Un sac de marin
Tiens v'là un marin
Il siffle un refrain
Qui dans le matin
L'escorte en chemin
C'est presque le même 
Le même que celui
Qui m'a dit "je t'aime,
Je t'aime pour la vie"
Tiens ! V'là un marin
Comme rien ne ressemble 
Plus à un marin 
Qu'un autre marin
Tiens ! V'là un marin
Comme il s'ra moins loin
J'lirai sur son front 
De quel bord il vient
Si seulement c'était mon homme
Qui comme mon homme
Beau comme un Dieu en uniforme
En forme et en marin
Rien j'ai tremblé pour rien
Pour être un marin,
C'est bien un marin
Mais c'n'est pas le mien
Le mien, pourvu que le mien
N'ait pas prit le chemin
De ce pays lointain
D'où jamais un marin 
Ne revient
Ne revient
Ne revient...











De temps en temps, peut-être quittait-il le café plein de fumée pour les glacis des fortifs. C'est là qu'il tachait la bas de son pantalon. En soi-même et à la fois hors de soi, le Lieutenant poursuivait Querelle. Il assistait à la scène des taches du pantalon. En passant un jour dans un groupe de matelots dont l'un d'eux signalait à Querelle les taches souillant le bas de son pantalon, le Lieutenant l'avait entendu répondre avec désinvolture: "ça c'est mes décorations!"... "Ces taches-là c'est rien. C'est les mecs qui me font des pipes. Pendant qu'ils me sucent je les oblige à se branler dans mon froc. Des fois y-z-ont honte, mais je les oblige. Ça leur fait du bien."
                                                                                                              Genet Querelle de Brest p180




















Evidemment pour les français, le marin ne va pas sans sa coiffure.

Pompon rouge
                           le joli coeur
                           sautille
   
           trombone
       vieux paquebot

Si toutes les guirlances
enchaînent les demoiselles timides
que faire           cassons tout
                sur un rythme gentil

C'est la pol
                  ka trouve ton zèle
nous ne somme plus sur le pont 
qui bombardait l'Acropole

                                                                 Cocteau Polka




Quelques pompons rouges:

Julien Dupuichaffray (mort en 1942), dit "la demoiselle au pompon rouge" (surnom des fusiliers de marine depuis 1914, en raison de leur jeunesse et du décolleté de l'uniforme) champion d'Europe de lutte, portant son bachi de marin


Charpentiers de marine du vaisseau l'Armorique 1932
 


Le marin Louis L'hévéder
 



1944

Quand il fit demi tour, une jeune fille, rieuse, se détacha d'un groupe, traversa la chaussée en courant. Déjà elle était auprès de Querelle. Elle tendit la main pour toucher (cela porte bonheur) le pompon du matelot, qui lui donna  une gifle terrible. Rouge autant de honte que de douleur la jeune fille demeura interdite sous le regard furieux de Querelle. Elle balbutia:
- Je vous faisais pas de mal.
Mais déjà il était le centre -ou plus justement l'attraction- d'un rassemblement où les gars choisissaient sa gueule pour y écraser leur poing...
Querelle les regardait.L’alcool dramatisait sa vision de lui-même, magnifiait son danger. Autour de lui on hésitait. Il n'était pas une femme qui ne souhaitait qu'un si beau monstre fût abattu par le poing d'une des hommes, déchiré, piétiné, afin de la venger de n'être pas la bien-aimée protégé par son bras, par son torse qu'elle savait vainqueur déjà grâce à la seule protection de sa beauté.

                                                                                             Genet Querelle de Brest p242

Attention, ça ne porte bonheur que si le marin ne s'en aperçoit pas. Il peut sinon réclamer un baiser. Il faut toucher le pompon du bout de l'index et ça ne marche que 24 heures, à moins d'enchaîner trois marins différents ce qui peut porter la période de chance à trois semaines. Attention encore, on dit qu'aux temps héroïques, certains marins, fatigués qu'on essaye de leur toucher le pompon y plantait des aiguilles...










 14 juillet






MARIE LA FRANÇAISE
Paroles: Jacques Larue, musique: M. Philippe Gérard


Oh mon Paname que tu es loin
Pour les filles de mauvaise vie
Et que la Seine était jolie
Sous le soleil du mois de juin
Sous le soleil du mois de juin

Au fond du vieux Sidney
Sous le pont du chemin de fer
On vient de faire son affaire
A Marie la française
Faut pas s'en étonner
Car avec les matafs
Dès qu'ils sont un peu pafs
Vaut mieux planquer son pèse
Quatre-vingt-cinq dollars
Ça se claque un soir de bringue
Quand on vient d'accoster
Après deux mois sans femmes
Ils ne pouvaient pas savoir
Qu'elle était assez dingue
De mettre ça de côté
Pour revoir Notre-Dame

Oh mon Paname que tu es loin
Pour les filles de mauvaise vie
Et que la Seine était jolie
Sous le soleil du mois de juin
Sous le soleil du mois de juin

Au cimetière de Sidney
Un pasteur en passant
Marmonne avec dédain
Une prière anglaise
Faut pas s'en étonner
Chez les gens bien pensants
Tout le monde se fout bien
De Marie la française
Seule une petite vieille
Continuera de croire
Qu'avec un homme très chic
Sa fille est mariée
Et les jours de soleil
Dans sa rue Rochechouart
Pensera qu'aux Amériques
Marie l'a oubliée...

Oh mon Paname que tu es loin
Pour les filles de mauvaise vie
Et que la Seine était jolie
Sous le soleil du mois de juin
Sous le soleil du mois de juin




Cadets de la marine russe







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